2007 - Pèlerinage sacré, an 2, jour 7, le Pays Basque.

Les Pyrénées

Mardi 11 Septembre 2007.

Hier soir, très tard, les commissaires ont rejeté une réclamation de deux concurrents présentée sur un formulaire non-conforme aux normes européennes de Bruxelles.

Le coureur Poidevin Alain a fait l’objet de 2 minutes de pénalité pour avoir utilisé son bidon en dehors des zones de ravitaillement, bien qu’il ait déclaré : « j’avais soif de mon plein gré ».

Il a souhaité faire appel à la clémence du jury et s’est ravisé en précisant : « ça m’a permis de limiter les dégâts, vous pouvez vous les garder vos 2 minutes ».

Au matin, tout le monde est très concentré sur cette étape qui sera la dernière de l’expédition 2007. Même les coqs sont convenablement réglés sur l’heure du réveil avec les églises du village. Le registre des signatures au départ est tenu par l’équipe féminine. Nous avons le décompte exact du temps sur un grand panneau d’affichage au terrain de rugby, et une barrière officielle à la sortie du camp qui libèrera les concurrents. Nous avons même des spectateurs dans la tribune : Il s’agit d’une classe qui est en cours d’éducation physique. Le prof de gym n'a pas l'air de les intéresser beaucoup, en revanche des regards envieux montrent que notre manège leur donne envie de se joindre à nous.

Pour ma part, en tant que commissaire, je mène une enquête discrète, car, en ouvrant mon coffre de voiture un cubitainer de 5 litres m’est tombé dans les bras. S’il y a tentative de corruption par un coureur, l’auteur doit être démasqué. Nous n’accepterons aucun pot de vin !

9h03

Le coureur Champeau Jean-Marie se dit retardé par un coup de téléphone impromptu au moment de la vérification des bicyclettes. Nous pensons qu’il s’agit d’un détournement manifeste de protocole afin de déjouer notre attention. Cela provoque aussi une grande fébrilité chez le leader Poidevin Alain qui pose réclamation. Je cite :

« Interdiction de prononcer ou de parler du mot col à n’importe quelle heure ».

Nous déclarons barrière levée à 9h10 pour libérer les coureurs. Aujourd’hui le podium se joue probablement. La tension est à son comble puisqu’ils s’appellent non plus entre eux « coureurs » mais « concurrents ».

Le registre des signatures de départ doit être vérifié et validé plusieurs fois. Sous sa signature, le coureur Poidevin Alain a rajouté « la montée des cols sous réserve ». Nous acceptons malgré tout cet engagement important pour la beauté du sport, et la gloire du vélo.

Au kilomètre 0,3, le coureur Champeau Jean-Marie appelle sa voiture suiveuse pour récupérer sa serviette de bain fétiche, qui cerne traditionnellement son cou puissant. Sans elle, il menace de stopper sa carrière ! L’inquiétude se lit sur les visages des organisateurs qui déclenchent immédiatement une opération d'assistance.

Tout est rentré dans l’ordre, les deux partants progressent maintenant de concert jusqu’au pied du premier col servi par des petites routes superbes.

Les premières rampes provoquent l’éclatement du groupe, chacun roule à un rythme différent.

La route s’élève, les villages s’éloignent et nous découvrons des paysages basques magnifiques. Nous essayons de leur procurer à la fois des encouragements et de la tranquillité. Jean-Marie et Alain m’étonnent d’application en suivant nos conseils « ne te presse pas, prends ton temps, ne force pas, si tu es en équilibre et que tu pédales, tu avances !! ».

Les hectomètres passent, les kilomètres aussi et nous survolons maintenant toute la région. Passé Ostabat-Asme, les photos crépitent, ils sont en haut, super !! Quel bonheur simple d’avoir joué avec la route et un vélo !! Ils s’en rappelleront, c’était leur col : Ipharlatcé, et sans poser le pied par terre s’il vous plaît !!

Quelques respirations plus tard et après vérification des machines, ils se laissent griser par la descente dans laquelle ils slaloment entre des vaches en liberté. Nous choisissons un petit coin sympa sous un châtaignier pour le casse-croûte et pour fêter le passage d’Ipharlatcé.

En plein Pays Basque.

En plein Pays Basque.

Alain dans Ipharlatcé.

Alain dans Ipharlatcé.

Jean Marie dans Ipharlatcé.

Jean Marie dans Ipharlatcé.

L’équipe de l’après-midi s’élance à 13h45, je vais encadrer le jeunes à l’abordage des deux cols qui se présentent devant nous, le Gamia attaqué par Ibarolle avec ses pourcentages surprenants et le Roncevaux ou Ibaneta qui doit nous emmener en Espagne !! C’est dingue, l’Espagne !! Oui, vous avez bien lu, l’Espagne, quelle histoire !

 

La méthode est la même : tranquille, chacun à son rythme, hors de question de se faire du mal, on avance, on y va… et on arrive.

En pleine montée, première crevaison de Thierry mais belle récompense, il est beau ce petit col, le Gamia, mitraillage photos, souvenirs en stock. Dans la descente Thierry va encore subir une série de crevaisons qui vont l'atteindre au moral. Non, ce serait trop bête d'abandonner si près de la frontière espagnole car c'est un passage mythique dans notre aventure. On l'encourage, c'est reparti.  

 

Nous traversons Saint Jean Pied de Port encombré par la circulation et beaucoup de pèlerins. Plusieurs parcours de marcheurs se rejoignent ici. Nous préférons vite retrouver de l’espace ! Il y a trop de monde aujourd’hui. J’ai quand même une petite pensée pour la traversée des Pyrénées que nous avions faite il y a 6 ans avec Alain car à cet endroit nous empruntons la même route. Ce jour là nous avions subit une tempête mémorable.

 

Nous sommes bientôt en Espagne et je devine presque 20 kilomètres de grimpette, Aïe, aïe, aïe mes deux jeunes, allez, vous y arriverez, nous avons tout notre temps, n’hésitez pas à marcher s’il le faut…

Et puis non, pas besoin de pousser le vélo, juste quelques arrêts de précaution pour se faire une petite santé et le voilà, même dans le brouillard de cette fin de journée, il est beau : col d’Ibaneta (1057 mètres).

 

Alain est resté près de nous en voiture suiveuse avec des vêtements chauds. Jean-Marie est parti à la recherche d’un camping sur notre parcours espagnol. Il  s’occupe de l’installation des tentes car le soleil est déjà caché. Allez hop, tout le monde se lance dans la descente.

 

Aux retrouvailles, bravo, c’est super, on fait la fête, direction le restaurant du camping.

Au menu, quelques surprises qui nous enchantent et qui nous font rire : dans la traduction annoncée nous avons « mâchoire de veau » et en dessert « tarta ». On nous sert ensuite : bœuf bourguignon et glace !! En prime, on nous fait comprendre qu’il faut sortir vite pour débarrasser les tables. Quelle rigolade ! Nos premiers contacts avec l’Espagne sont très surprenants !

 

Tant pis, avant de quitter le restaurant et puisque nous ne sommes pas les derniers à partir nous en profitons pour noter les réclamations du jour :

  • concurrent Champeau Thierry : « selle non-conforme à son anatomie »
  • concurrent Poidevin Alain : «  n’a pas pu emmener une vache sur son porte-bagages »
  • concurrent Champeau Jean-Marie : « inscription obligatoire aux cours d’espagnol de la chambre du commerce »
  • concurrent Champeau Denis : «  c’est dommage que ça se termine, vivement la ligne de départ 2008 ! »

 

A la sortie de ce restaurant bizarre, Alain se prend de pitié pour un petit chat qui mendiait par là. On ne sait plus lequel des deux finit par adopter l’autre et les voilà partis dans un numéro de cirque avec démonstration de domptage. Le chat, baptisé « Tarta », en hommage à nos premiers exploits linguistiques, et le dompteur sont très brillants ce soir, ils sont tellement complémentaires qu’ils finissent par dormir ensemble, le chat sur l’oreiller et Alain, là où il reste de la place !!

En principe, il est prévu que demain matin le chat parlera le français !!

 

Quelques bruits nocturnes sont perceptibles, j’entends Jean-Marie qui respire, non ! je me suis trompé, il regonfle discrètement son matelas, après avoir rechargé sa lampe de poche à moulinette.

 

Total de la journée 79 kilomètres.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article