
Nuit douce dans la chambre ronfleurs du vieux chalet. Contrairement à hier, je n’ai pas eu de sérénade ronchopathique en provenance de mon petit frère.
Toujours le beau temps annoncé. Petit dèj très copieux avec les confitures de Lili.
Nous préparons notre chargement sous le regard intéressé de notre collègue cycliste.
Salutations, et nous sommes à 9h30 sur la place de l’église de Châtel, point d’arrêt de la veille et du départ d’aujourd’hui.
Je me fends d’un petit briefing sur le programme du jour.
Jean Marie et Daniel vont descendre toute la vallée par la piste cyclable qui longe le cours d’eau descendant à Abondance, la Dranse D’Abondance.
Ils prendront ensuite la route du col du Corbier, pas facile du tout mais très beau.
Je m’occupe de l’intendance, des fruits, du pain, du fromage et j’enquête pour le gîte du soir. Je retrouve les gars en pleine séance photos à mi-pente du col du Corbier.
Daniel et sa batterie qui le pousse est irrésistible. Jean Marie mouline patiemment. Je reste auprès d’eux jusqu’au dernier kilomètre du col et je leur promets d’installer notre coin casse croûte sur un emplacement sympa en haut du col.

Je prends les devants, une belle table en bois nous tend les bras à l’espace loisir. Je suis tout fier d’avoir trouvé ça et je les imagine déjà radieux. . .
. . . seulement c’est Jean Marie qui arrive, tout seul ! !
- Où est passé Daniel ?
Nous menons notre enquête, pas de Daniel. Je tente de le joindre au téléphone mais je tombe sur le répondeur, il n’a peut être pas de réseau. Je fais une tentative par texto.
Ah, ça sonne. . . C’est Daniel.
Dans l’euphorie de son envolée, il avait plongé dans la descente du col et nous appelle bien loin dans la vallée.
- Bon alors, bouge pas, on remballe, on casse la croûte en bas.
En quelques secondes les victuailles disparaissent dans les sacs. Nous ne perdrons pas la face. Organisation maison !
Étaler le pain et le jambon sur quelques troncs d’arbres bienvenus c’est pas mal non plus.

Je reprends la route l’après midi par trois cols bien mignons.
Les éleveurs coupent leur fourrage. C’est bon signe. Je me dis qu’en principe le foin va sécher les jours suivants, donc il ne pleuvra pas. Tant mieux pour nous.
Ça me fait penser à l’histoire du cow-boy qui coupe son bois et qui voit passer un vieil indien et à qui il demande :
- Vieux sage, peux-tu me dire si l’hiver sera dur ?
Et l’indien répond : - Oui Hiver très rigoureux !
Alors le cow-boy se met à couper encore plus de bois.
L’indien repasse et dit : - Hiver très très rigoureux !
Et le mec coupe encore plus de bois. Le voisin du cow-boy voyant le manège demande à l’indien :
- Vieux sage, comment sais-tu que l’hiver sera rigoureux, quel est ton secret ?
L’indien répond : - Quand homme blanc coupe bois, Hiver rigoureux !

Mes démarches pour trouver l’étape du soir auprès de l’office de tourisme de la région étaient bonnes. Heureusement que j’avais noté les numéros de téléphones.
En effet, mes deux compères qui ont repris le flambeau des recherches, filent à l’office de tourisme et le trouve fermé l’après midi ! (normal ! Après 14h, en France, les touristes n’ont pas besoin de renseignement ! Faut pas pousser quand même !).
Ils contactent l’un des bons plans à Habère-Poche[9]
C’est un gîte situé dans la descente du col des Arces, à l’entrée du village, sur ma route. Super, nous pourrons faire notre popote dans des locaux partagés avec d’autres hôtes.
-« A l’entrée du village tu vas passer devant un porche, c’est là ! »
Bon, là, je n’aurai pas à chercher. Bingo ! Je vois la voiture, c’est bien là.
Les gars ont installé les bagages et les opérations douches sont en cours.
Nous sommes presque en avance sur nos habitudes, alors belote apéritive au saumon pain beurre avant que je joue de la batterie de cuisine.
Ce soir ce sera, rondelles de saucisson fumé poêlées avec lentilles auvergnates (coucou les amis d’Auvergne Yannick et Régine, préparez vous, vous êtes sur l’un de nos futurs parcours), fromages, fruits et flans. Vin, château du Médoc.
Aujourd’hui, il n’y aura pas d’atelier éponge humide, le lave vaisselle nous tend les bras.
Donc re-belote plus tôt, tisanes, le chef vous propose. . .

Ce soir je dors au second étage d’un lit superposé et jean Marie est encore plus haut dans une mezzanine.
Il me fait marrer car la lampe située au fond de la mezzanine projette sa silhouette agrandie sur le mur qui me fait face, lui donnant un air de fantôme géant.
Comme on dit en compète, c’était une étape de transition.
Total vélo du jour : 51 km

Réveil 7h30.
Dans notre chambre, le réseau des interrupteurs électriques est déroutant. Il faut faire une petite enquête pour repérer quels interrupteurs commandent quelles lumières. Les deux frangins, doivent faire état de toute leur technicité. Séquence rigolade.
Comme hier soir, je suis plié de rire par l’ombre chinoise de Jean Marie qui range ses draps. Sa silhouette surdimensionnée lui donne un air d’homme préhistorique qui grogne dans sa caverne.
Nous prenons des forces au petit dèj car le parcours du jour va nous prendre du temps, malgré le modeste kilométrage.
Quelques explications de notre vadrouille aux pensionnaires du gîte et mes deux acolytes du matin se lancent dans la vallée verte. Je reprends mon rôle habituel de voiture balai, boulangerie, pains aux raisins, taboulé pour midi, boudin noir pour ce soir.
Je mène l’enquête pour un gîte espéré sur le plateau des Glières, le terme de l’étape que nous avons visé. Des coups de téléphone, tous plus chanceux les uns que les autres m’amènent au contact du propriétaire d’un chalet « Chez Merlin »
-« Pas de problèmes » me dit il,
-« je ne suis pas ouvert mais je peux vous dépanner si vous faites votre popote ! Je vous laisserai les clés. On se retrouve à 19 heures pour mettre en service le chauffe eau. »
Ça c’est un coup de chance, Daniel et Jean Marie vont être contents de notre bonne étoile.

Je retrouve mes gars à un carrefour de village, penchés sur une carte routière. Il est presque midi, une maman passe avec une poussette.
- Vous avez l’air perdus ?
- Oui on veut aller à bla bla bla bla. . . .
Elle se marre et nous remet sur le bon chemin avec en fond sonore le gazouillis du bambin. Merci Nancy et le petit Firmin !
Notre guide nous avait prévenu, ça va remonter ! Alors ça mouline, ça mouline. Un peu de photos, et à mi col vers 13 heures, pause casse croûte, table, tabourets à l’ombre d’un poirier.
Je repars avec Daniel. Nous avons prévu de passer le col du Réray pour rejoindre Bonneville. Nous cafouillons encore avec des pancartes imprécises. La route du col se rétrécit étrangement et l’asphalte disparaît, d’autant que la batterie de Daniel donne des signes de faiblesse. . . alors je continue seul.
Daniel quant à lui raccroche les gants ou plutôt le vélo. Ça donnera l’occasion d’un petit gag maison quand Daniel appellera Jean Marie en vadrouille touristique avec la voiture suiveuse.
- Allo ? Je t’attends à côté des poubelles.
- Ah Oui ? Quelles poubelles ?
Ma montée du col s’arrête au bord de la falaise qui surplombe Bonneville. Le col n’a pas de continuité et je dois redescendre au village de Saint-Jean-de-Tholome où je me renseigne sur le problème. Là on me dit que le col est en impasse contrairement à ce qui est indiqué sur la carte.
Bon, demi tour. . .
J’arrive enfin à Faucigny, puis Bonneville pour traverser la vallée de l’Arve qui part vers Chamonix Mont-blanc. Je trouve un peu trop de circulation à mon goût, heureusement, il y a des couloirs pour les cyclistes.
La remontée des gorges des Evaux m’amène au Petit-Bornand, le torrent est presque à sec, c’est dramatique. A droite sur le pont, c’est indiqué : «plateau des Glières[10]».

Je m’étais régalé devant la télé en regardant l’étape du Tour de France qui passait là. L’originalité du Tour consistait, ce jour là, à emprunter les derniers kilomètres des Glières sur la route empierrée et non goudronnée.
Alors m’y voilà !
C’est un grand moment pour moi de pédaler dans un endroit mythique. Je suis même très ému de découvrir des lieux où les résistants du maquis des Glières ont combattu.
Moi, ici, libre. !
L’histoire me submerge, les embuscades, les parachutages, la résistance, le maquis.
De temps en temps, je reviens au Tour de France en chevauchant des inscriptions peintes sur la route.
Tenez vous bien les amis, j’arrive à 18 heures devant Daniel et Jean Marie qui m’attendent en haut. J’ai fait les 7 derniers kilomètres en 2 heures. . . et encore j’ai la route empierrée à faire pour aller « chez Merlin »

Magnifique. . . Temps superbe, coucher de soleil enflammé.
Je rejoins à vélo le chalet. Il faut respecter le contrat, toujours un vélo sur la piste.
Demain les gars partiront d’ici.
Pour l’instant, je suis enthousiasmé par tout ça. Le lieu, le temps, le coucher de soleil, le vélo, le décor, le chalet.
Vite une photo souvenir.

Gilles, le patron, arrive comme prévu à 19 heures.
Contact super sympa, nous l’invitons à prendre un verre avec nous. Il nous explique qu’il n’y a plus que deux habitants permanents sur le plateau. La seconde habitante n’étant pas là aujourd’hui et que lui doit redescendre dans la vallée dans un autre chalet, ce soir nous serons seuls sur le plateau au milieu du silence.
Pour le coup, nous sommes impressionnés. En prime le patron nous laisse sa bouteille de Chartreuse maison avant de prendre congé.

Après le rituel de la distribution des chambres, comme d’hab, ronfleurs et non, je me colle aux fourneaux.
Le chef propose, boudin purée, Reblochon(le thème de l’année).
En dessert, pommes et 4 quarts.
Tisanes, belote, Chartreuse du patron.
Tout à coup, le patron passe la tête par la porte.
-« Venez voir. . .,
il y a un troupeau de biches dans le champ d’à côté »
Nous éteignons les lumières et tous les trois sur le balcon nous essayons, sans grand succès, de prendre en photo le troupeau qui se tient à quelques dizaines de mètres dans la lumière des phares de la voiture du patron qu’il a postée en face sans les effaroucher.
Le cerf brame un peu plus loin, comme s’il nous faisait savoir que nous avons de la concurrence.

Avec une journée et une soirée comme ça, c’est très difficile de s’endormir. . . sauf pour Jean Marie qui me joue de la ronflette !
Lui d’un côté, le brame du cerf de l’autre, je déménage dans une chambre libre avec ma couette.
Les volets ne sont pas fermés. Le ciel limpide m’envoie ses milliers d’étoiles.
La vie nocturne continue, un oiseau doit être sur le toit du chalet on dirait un cri de mouette.
Là, j’hallucine, qu’est ce qu’elle fait là ?
Plein d’images de bousculent encore. L’histoire des Glières me poursuit.
J’ai dû finir par m’endormir. . .
Total étape du jour : 69 km
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