2006-2009 - Pèlerinage sacré. L'aventure entière.

Sacré Pèlerinage.

En direction de Saint Jacques de Compostelle à vélo de 2006 à 2009.

Une idée en 2006 …

Il faut que je l'avoue, d'un seul coup je suis pris d'une folle envie d’écrire, d’écrire, d’écrire, d’écrire, mais c’est vrai, bien souvent, j’ai une grosse envie d’rouler, d’rouler, d’rouler, d’rouler.

Aujourd’hui, je vais faire les deux à la fois, et la bille de mon stylo, en avançant, va retracer pour vous et moi des souvenirs en un seul geste magique sur des chemins de papier.

D’habitude, ces mouvements s’effectuent pour moi sur cet instrument à pédales, et quelquefois à vent, que vous appelez un vélo. Sur lui, dans mes moments d’apesanteur je ne dispose pas d’un écritoire en haut du guidon, encore moins d’un « mémorisateur » électronique, mais tout bêtement d’une cervelle, de dimensions réduites, certes, mais comportant plusieurs tiroirs assez bien organisés.

Mon équipage lancé sur deux pneus gonflés à bloc se disperse dans la nature avec un moral lui aussi gonflé à bloc. Quelques vitamines prévenantes et un appareil photo regroupés dans un sac à dos me donnent même une sensation irrésistible d’envol. De temps en temps des oiseaux de bonne augure viennent m’encourager, et c’est vrai le tam-tam du pic-vert me sollicite quelquefois pour un rythme de pédalage largement au-dessus de ma cadence. Ce supporter bariolé, un peu fou, à l’air pourtant de croire en moi par sa fidélité depuis de nombreuses années au bord des routes.

Je ne vais pas le décevoir, j’ai envie d’en faire encore beaucoup pour m’enivrer des parfums saisonniers qui se dispersent au gré du vent. La résine des pins surchauffés, les genêts en maillot jaune, les lavandes, le thym, le romarin, les chênes fraîchement coupés ou les tapis de fleurs des champs m’indiquent toujours la direction d’un coin de mousse, en haut d’un col, où je pourrais arrêter le temps en tutoyant les nuages.

Je suis à la fois indépendant mais pas trop sauvage non plus, j’aperçois au hasard des chromosomes semblables intégrés chez des pratiquants de la même veine que moi et nous collectionnons dans nos mémoires des performances peu banales, où les moyennes et les vitesses de pointe n’existent pas.

La concrétisation de nos projets suggère aussi l’envolée de ma plume quelquefois, et l’inspiration du moment nous rapporte ensuite les images d’une belle collection qui pourra s’accrocher au clou (ou plutôt au biclou) de notre galerie de souvenirs !.

Mon vieux copain de 30 ans, même 40 ans, partage avec moi des moments forts et nous rapportons nos instants de communion sur des carnets de route truffés d’espace. Notre organisation a évolué avec le temps et nos muscles, et puis nos deux esprits de liberté supportent très bien la solitude à vélo. Notre fonctionnement est bien rôdé maintenant, quand l’un pédale, l’autre s’occupe de la logistique en voiture tout en restant fidèle à notre principe de base « tout est proposé, rien n’est imposé ».

Notre expédition du moment va consister à rejoindre St Jacques de Compostelle par toutes les petites routes qui suivent au plus près le chemin des pèlerins religieux, notre point de départ a été fixé au pied de la basilique de Vézelay, nous pédalerons chacun notre tour pendant une semaine et notre point d’arrivée sera notre point de départ l’année d’après. Vous nous suivez ? D’accord ! Alors direction l’Espagne.

Les deux cyclo-pélerins

Samedi 2 Septembre 2006, VEZELAY

5h30 du matin

Le jour n’est pas encore levé, la veille nous avons tenu un dernier briefing devant une bonne bière et bouclé notre matériel de camping dans la voiture d’assistance. Dans un délire plein de respect j’avais souhaité une bonne nuit de sommeil au Révérend Père Alain en me glorifiant du titre de Monseigneur Denis, je le retrouve donc au point de rendez-vous, à Sens, fixé pour 6 heures et demie. Il m’avoue ne pas avoir fermé l’œil devant la dimension d’une telle expédition, comme à chaque fois dit-il, en affirmant que nous sommes spécialistes dans l’aboutissement d’aventures extraordinaires.

Il fait encore nuit, et sous la lumière blafarde d’un réverbère il vérifie une nouvelle fois qu’il n’a rien oublié. Tout à coup, stress maximum dans l’obscurité, je ne trouve plus mes « godasses » !!

Ah si, les voilà, ouf ! ça y est, on peut partir.

Nous avons une heure de route environ pour rejoindre notre base de lancement savamment étudiée : le parvis de l’église de Vézelay qui a servi de point de départ pour une croisade, tout va bien, nous sommes dans le même sujet.

Le jour se lève pendant le parcours et nous arrivons dans le matin feutré d’une météo très moyenne dans une ville déserte, sur le parking désert d’une basilique déserte. Quelle mise en condition pour ceux qui veulent se ressourcer dans le calme !!

Les derniers préparatifs s’accélèrent, nous avions décidé que ce soit lui qui se lance à partir d’une coquille Saint Jacques incrustée au sol de la rue principale.

Il s’équipe en cycliste, nous nous prenons en photo très sérieusement, deux coquilles attachées sur les casques. Cette fois c’est parti, il s’élance, Santiago de Compostella nous voilà… enfin, attend nous quand même un peu !

Je l’abandonne sur son parcours et j’entame le reportage photos de nos souvenirs avec une pensée subite pour ma chienne Bambou qui avait participé à l’une de nos expéditions mythiques en traversant les Pyrénées avec nous. Il paraît qu’elle serait au ciel maintenant, en tout cas, elle est très présente dans nos bagages et ses aboiements nous manquent quelquefois au moment de nos retrouvailles.

En effet, je rejoins Alain comme prévu dans sa trajectoire du premier relais, je l’attends quelques kilomètres plus loin dans une forêt toute verte de mousse. Je le vois arriver une jambe pendante et une jambe qui tourne, que se passe-t-il ? De loin il m’annonce qu’un pied est sorti de sa chaussure, elle est restée accrochée à la pédale. Il s’arrête,… abandon sur déchaussage ! La remise en jambes s’est avérée difficile !... Mais… gros moral, il sera prêt quand son tour de relais reviendra. Et puis comme c’est l’heure du casse-croûte, quand l’appétit va, tout va.

Je roule à mon tour jusqu’au saut de Gouloux, un des coins touristiques du Morvan. Je me trompe sur 1 ou 2 kilomètres et je reviens sur le parcours prévu avant de lancer une opération « cherchons-nous avec les téléphones portables ».

Tout se passe magnifiquement bien, Alain me relaie à nouveau autour du lac des Settons. Au redémarrage, il a cherché sa roue avant déjà enfouie sous notre bazar dans la voiture. Prends-moi donc en photo sur la roue-arrière, je présenterai mon press-book chez Pinder !! Après la roue, les gants, le casque, les chaussures, tout est OK le voilà reparti tête baissée. Je reprends mon tour avant Gien-sur-Cure, aucune portion de plat dans le secteur, mon petit développement de montagne est souvent le bienvenu.

Nous prenons la décision de finir la journée vers 17h30 et nous partons alors à la recherche d’un camping, après avoir repéré notre point d’arrêt pour repartir de cet endroit le lendemain matin.

Notre préférence se porte au bord du lac de Pannecière, nous avons l’habitude qu’à cette époque début Septembre les campings soient presque vides et nous avons toujours le choix pour des emplacements avec « vue imprenable ».

Notre périple en direction de St Jacques est bien entamé cette fois, nous nous confessons sur nos sensations de la journée devant l’apéritif et pendant que le menu se prépare, saucisson, lapin chasseur, fromage, accompagnés d’un Pomerol 90. Coup de téléphone à nos proches et bonne nuit les petits, le marchand de sable va passer.

Aujourd’hui notre bilan est 105 kilomètres.

Saligny

Dimanche 3 Septembre 2006, le château de SALIGNY

Nous avons passé une bonne nuit chacun dans notre guitoune, assez loin l’un de l’autre, pour gérer nos ronflements de bébés.

Au lever du jour, une petite brume essaie de nous décourager, nous plions tout vite fait et profitons quand même d’une accalmie pour le petit-déjeuner, toujours copieux. Nous établissons une liste de commissions qu’Alain fera pendant que j’entamerai la journée. Une belle côte est annoncée dès notre point de départ. Il accepte de rentrer dans les ordres de mes préférences pour les futurs arrêts sandwichs, saumon fumé ou jambon persillé, tomates, pamplemousses,… il fera ce qu’il pourra.

Je démarre sous une couette nuageuse qui se transforme en pluie, et je sors l’imperméable pour la traversée des montagnes du Morvan au milieu des sapins destinés aux fêtes de Noël. J’imagine ma famille et les petits enfants impatients. J’installe aussi des bougies dans mon décor et Alain me rejoint dans une association super organisée qui suggère une pause auprès des sources de l’Yonne.

Il a ramené nos commissions bien que se soit dimanche, et en plus, du fromage, Chaussée aux Moines, pour me faire rire… Quel phénomène !

Il se prépare à prendre le relais, la pluie s’est enfin arrêtée. Il a du se sentir motivé par le parcours d’une course cycliste qui se mélange avec notre trajectoire, je le préviens, il va peut-être passer sur la ligne d’arrivée avant les coureurs et se retrouver sur le podium, embrassé par les miss du village, gagner son poids en jambon ou gagner une vache puisque maintenant nous sommes dans le charolais.

D’ailleurs, après être revenu au calme de sa crise de « championnisme », il me demande de le prendre en photo avec un taureau, étant lui aussi du signe du taureau. Notre route dans le sud du Morvan le rend euphorique et je l’attends dans le village de Luzy où nous devons nous relayer. Je me prépare et reviens au devant de lui à vélo sous le soleil. Je le félicite avec un joyeux « bon rythme, belle allure » dans un grand sourire.

Sa réponse fuse : « j’m’en doute », dit-il dans son style habituel !!

Je traverse maintenant des paysages qui me font penser à la Sologne et je rejoins la Loire où de nouveau Alain va me relayer en fin de journée, de préférence, notre fin d’étape doit se faire toujours dans un endroit mémorable. Ce soir c’est gagné, un super château nous attend à l’entrée du village de Saligny, ce sera notre lieu de départ demain.

Le camping le plus proche est à Pierrefitte-sur-Loire que nous rejoignons en voiture. Je lui fais des pâtes à la sauce tomate mais elles sont presque périmées, elles nous restent d’un précédent voyage en Italie. Bon, ça colle un peu au fond de nos assiettes mais il faut que ça nous tienne au corps les sucres lents paraît-il, alors nous respectons les principes d’alimentation.

Le petit lac tout proche nous gratifie d’un beau coucher de soleil où les canards nous dessinent des arabesques de reflets avant de se calfeutrer dans les roseaux. De l’autre côté, des pêcheurs de nuit à la carpe sont dans leurs derniers réglages en espérant sûrement des prises démesurées qui les récompenseront de belles médailles chez les marchands d’asticots et de vers de terre.

Aujourd’hui notre bilan est 106 kilomètres.

la vitesse rend flou.

Lundi 4 Septembre 2006, jour 3, les monts du FOREZ, CHABRELOCHES.

Les bruits du matin me semblent feutrés, j’entrouvre un œil en même temps que la fermeture éclair de ma tente. C’est bien ça, de la ouate tout autour de nous. Un épais brouillard formé par la proximité du lac nous a enveloppés, il est 7 heures environ.

J’interroge Alain sur la réussite de son sommeil : Non, pas dormi de la nuit à cause d’une route à grande vitesse que nous n’avions pas décelée la veille et qui apportait des bruits de camions amplifiés par un petit vent porteur.

Moi je n’ai pas été trop gêné mais Alain prétend que cela va nuire à ses performances.

Le moral revient en même temps que le soleil qui nous chasse la brume, notre protocole du petit déjeuner copieux se met en place. Une phrase d’humour qu’il avait retenu un de ces jours, revient en permanence dans les propos d’Alain « Monsieur, permettez-moi de vous dire qu’il est de notoriété publique que vous êtes un rustre !! ». Aucune raison vraiment de citer cette phrase mais juste le plaisir de rire de nos bêtises.

Le relief du parcours décide que c’est Alain qui partira ce matin du château à la châtelaine d’hier soir. Il ne veut pas se faire enfermer dans les geôles, éventuellement dans les caves, mais si la châtelaine le retient il va louper son départ, alors, il se place un peu plus loin discrètement à la sortie du pays.

Le chausse-pied, les chaussures, le PQ, le téléphone portable, la carte, l’eau, le compteur, une vraie procédure de pilote d’avion. C’est parti !

De mon côté je conduis la voiture, les guitounes sont trempées et en vrac bien sûr, on les fera sécher plus tard au bord de la route.

Je joue le directeur sportif, le bras à la portière en scandant : « allez roule, roule ! ». Pas de réaction, il doit se réserver, ou plutôt avoir envie que je le laisse.

Il m’avoue quand même qu’il passe peut-être plus de temps à se préparer que sur le vélo et puis il a l’estomac qui gargouille. Ce doit être les deux champignons qui étaient vers l’entrée de sa tente, qui l’ont intoxiqué !!

Je m’en vais reconnaître le parcours pour découvrir ce qui l’attend, bientôt la première côte de la journée. Je le préviens, ça va être dur, il me passe le relais pour « en garder sous la semelle », c’est raisonnable.

La matinée se passe sous les nuages mais il ne pleut pas, il fait même doux et aucune circulation sur ces petites routes du centre de la France que nous avions sélectionnées dès le mois de janvier. Mon seul problème de la matinée est la rencontre d’un troupeau de vaches qui encombre la route. Je m’amuse à observer leur comportement aux ordres de la gardienne et des chiens très concentrés sur leur mission. Les réactions sont instantanées, c’est drôle, les vaches me paraissent téléguidées, moi aussi je joue sur un écran vidéo !

Ma pellicule photo est terminée et c’est l’heure de la pause casse-croûte. Comme convenu nous sélectionnons toujours un coin sympa, loin de toute civilisation si possible.

Aujourd’hui, petit étang avec canards sauvages qui partagent l'endroit avec nous.

Alain se sent bien requinqué, pour démarrer cet après-midi et me placer aux pieds des premiers cols des monts du Forez. Puis c'est à moi, dans la traversée de Mayet-en-Montagne, je crève en une fraction de seconde, ma roue-arrière est venue s’empaler sur une lame de cutter qui reste plantée dans le pneu. Nous avions les rechanges nécessaires et je repars pendant qu’Alain profite de la proximité du village pour racheter une nouvelle panoplie de secours à ce genre de pépin.

Le ciel se dégage et nous sommes dans une belle journée de début d’automne. Alain m’avoue quand même avoir eu de la difficulté aujourd’hui, je le rassure, c’est le 3ème jour, et tous les grands champions ont du mal le 3ème jour. Même les grands champions ont un jour « sans ». Ceux qui n’en n’ont pas, sont des « sans-grades », on rigole. Il s’est refait le moral et roule dans une petite vallée sympa le long d’un torrent avant de me laisser finir la journée dans un col plein de mousse et de forêts.

Arrêt sur le parcours à Chabreloche, camping en terrasse à Noirétable vers des chevaux. C’est le meilleur camping depuis le début et le moins cher ! Ha ! budget quand tu nous tiens. Au menu, canard confit, pâtes (encore !), Saint Nectaire, poires, et bien sûr nous partageons le pain et le vin, comme deux bons moines sur les chemins de Saint Jacques.

Aujourd’hui notre bilan est 108 kilomètres.

Dans le Livradois-Forez

Mardi 5 Septembre 2006, jour 4, les montagnes du Livradois, ESTIVAREILLES.

Cette fois c’est moi qui n’ai pas bien dormi, difficile de trouver le sommeil, le canard confit était peut-être un oiseau nocturne. Derrière notre campement, les chevaux ont galopé quelquefois dans la nuit.

Ce matin le lever du soleil est magnifique, ciel en feu, photo, remise en route de toute la compagnie. Je repars du village de Chabreloche, par un petit col soi-disant de remise en jambes, tu parles !! J’aurais plutôt dit « pas facile »… mais tout va bien.

Superbes montagnes du Livradois-Forez, pleines de verdure, de fougères et de sapins, ce doit être une journée d’abattage, j’entends le bruit des tronçonneuses et des arbres qui frappent le sol et qui poursuivront leur destinée vers les scieries, les meubles ou les charpentes. On se retrouvera peut-être un jour sans le savoir dans le confort et la chaleur des essences boisées d’un chalet.

Alain est parti au ravitaillement et au gasoil, je le retrouve en fin de matinée dans le haut d’un col, encore ensoleillé pour la coupure casse-croûte. Pas un nuage, nous sommes à la pause dans un silence total. Il me surprend par le bruit du bouchon en provenance de sa cave personnelle « rosé de Vallon Pont-D’Arc », dit-il, pour trinquer avec cette superbe nature.

On ne m’arrête plus, après l’étude du parcours, je repars sur une route, annoncée montante, et comment !

Je mouline pendant les deux heures de digestion. Un pic-vert m’applaudit et je me prends en photo dans son territoire. Je retrouve Alain dans le haut du col, prêt à effectuer sa part de macadam. Il s’éloigne, moi j’en profite pour faire un reportage photos avec panorama sur les Monts d’Auvergne d’un côté et les Alpes de l’autre côté, on est sur le toit du monde.

Grande descente à travers les foins coupés, rendez-vous vers 17 heures pour organisation de notre enquête camping du jour et, ça y est c’est décidé, ce sera le petit village d’Estivareilles, avec vue plongeante sur la vallée et son d’horloge de l’église toutes les demi-heures.

Aujourd’hui notre bilan est de 113 kilomètres.

Slalom dans le troupeau.

Mercredi 6 Septembre 2006, jour 5, le pays du Gévaudan, SAUGUES.

Denis: très bien dormi.

Alain: beaucoup moins bien,

problème de cloches. Elles insistaient pour nous bercer. Si on avait oublié que nous sommes sur les chemins de Compostelle, l’église est bien là pour nous le rappeler. A 6h30, c’est vraiment impossible de louper le réveil, ils nous remettent ça juste après avec une deuxième volée de cloches pour annoncer l’angélus, la première messe du jour.

Grâce à Dieu, merci de nous faire vivre tout ça quand même.

Je commence la journée par une petite côte aperçue depuis le camping, parcours tranquille, fraîcheur matinale, rayons du soleil qui viennent me pousser dans le dos et me caresser la peau.

Je parlais de Dieu, ce n’est pas juste, deux écureuils se sont fait écraser à proximité d’une statue au bord de la route, je suis triste, ils auraient dû voir cette nouvelle belle journée qui s’annonce.

La froideur de la nuit a complètement trempé tout le matériel de camping, allez, tout en vrac dans la voiture. Alain a pris le volant, nous ferons sécher plus tard. Il m’indique plusieurs fois le tracé de notre parcours, nous retrouvons la Loire à Retournac et la côte, à la sortie, n’est pas facile. Pourtant elle est en plein soleil, mais nous avons décidé de pique-niquer en haut, c’est plus sympa de repartir sur du plat et encore mieux si ça descend.

J’en étais sûr ! Il vient de trouver un petit coin idéal, cours d’eau rafraîchissant, buissons pour étendre et faire sécher les affaires, climatisation adaptée aux désirs de la clientèle, vue imprenable, musique d’ambiance respirant la zenitude! Non la zen-attitude !

Je retrouve ma lessive de la veille certainement réalisée dans un grand moment de courage à l’heure de l’apéritif. C’est Alain qui repart à vélo pendant que je plie toutes nos affaires. La digestion le secoue un peu au kilomètre 5, arrêt brutal, il reprend son souffle et ses esprits puis dévale de nouveau dans la vallée de la Loire qui serpente dans le secteur pour nous amener au Puy-en-Velay. C’est une étape importante que de passer ici dans notre périple. Il est enchanté que ce soit lui qui aboutisse au pied de cette cité mythique.

Je le relaie pour entrer dans la ville et comme d’habitude elle est beaucoup plus facile à traverser à vélo qu’en voiture. Je m’échappe facilement des embouteillages et m’éloigne dans la grande côte qui nous emmène maintenant plein ouest à travers des petits villages perdus de Haute-Loire construits en pierre volcanique.

Au loin le ciel se couvre, j’entends l’orage qui gronde, quelques éclairs à l’horizon mais juste quelques gouttes pour nous. Je franchis un pont par dessus l’Allier à Monistrol et Alain part devant à la recherche d’un camping dans le pays du Gévaudan.

Il m’appelle au téléphone, ce sera étape à Saugues et en plus, bonne nouvelle ! il m’annonce le passage d'un neveu accompagné de sa copine qui se demandent sûrement quelle est cette expédition abracadabrante et comment nous la vivons.

Ouille, ouille, ouille, la dernière côte du jour n’est pas facile non plus, j’ai compris pourquoi le village perché tout en haut se nomme, La Vachetterie.

Nous retrouvons nos invités dans l’obscurité vers 10 heures du soir. Les petites routes pour nous rejoindre ont eu raison de leur impatience mais, récompense à la clé, nous leur offrons l’apéritif.

Avec Alain, nous repartons pour un deuxième repas, re-nouilles accompagnées de 4 fromages (rien que ça) avec vin du Languedoc servi avec classe par un sommelier toujours opérationnel 24 heures sur 24.

Nous nous endormons sans crainte de la bête du Gévaudan qui, paraît-il, n’aime pas les nouilles !

Aujourd’hui notre bilan est 132 kilomètres.

L'Aubrac c'est ça !

Jeudi 7 Septembre 2006, jour 6, les plateaux de l'Aubrac, NASBINALS

Nous sortons de nos toiles respectives avec le plaisir de se voir beaucoup mieux qu’en pleine nuit. Les retrouvailles nocturnes de la veille avec nos neveux étaient tout juste éclairées par une balise du terrain de camping qui nous avait servi aussi de table d’hôtes.

Nos invités observent notre organisation hétéroclite et proposent d’entamer la journée avec nous pour comprendre le jeu de notre périple.

J’entame la journée vélo en entrant maintenant dans ces deux belles régions que sont la Margeride et l’Aubrac. Je constate que les chemins de Compostelle à pied sont très fréquentés lorsque notre route goudronnée rejoint leur parcours officiel. J’observe que si très souvent les rassemblements religieux se traduisent par une prière collective de l’instant, en revanche les pèlerins sont solitaires et méditent probablement sur le sens de leur existence. Nous devinons aussi leurs difficultés physiques dans l’accumulation de leurs efforts, mais chacun à pied ou à vélo, mène son bout de chemin.

Nos observateurs d’un jour découvrent maintenant le rôle du conducteur de notre voiture pendant que l’autre pédale sur sa bécane. Le service logistique comprend à la fois les directions de notre tracé mais aussi l’approvisionnement de notre garde-manger.

Nous nous retrouvons tous les quatre près d’un hameau où nous assistons au défilé régulier des marcheurs qui suivent leurs balises repérées d’une coquille Saint Jacques. Ils arpentent leur chemin dans un panorama offert à nos yeux pour vivre leur pèlerinage.

Nous aussi nous avons nos coquilles officialisées lors d’un colloque arrosé, annonciateur de notre projet, souvenez-vous ! Nous délirons évidemment un peu dans nos plaisanteries qui attirent une petite chienne de la ferme voisine. Elle semble nous adopter, elle a bien compris que notre philosophie sur les chemins de Compostelle ne se faisait pas seulement au pain et à l’eau, et elle se régale en mendiant auprès de nous quatre, la charcuterie et le fromage.

Le guide chauffeur, Alain, étant plébiscité par notre fan club du moment, c’est lui qui emmène nos deux invités jusqu’à Nasbinals, au cœur des plateaux d’Aubrac, où nous ferons étape aujourd’hui. Il s’occupe de la réception de nos VIP. Cette traversée de l’Aubrac sous un ciel changeant nous apporte des belles photos souvenirs, chaque mètre parcouru nous offre des angles de visions superbes.

Le soir, l’envie nous prend de se laisser tenter par un repas dans un buron très typique avec aligot saucisses, arrosé de quelques bouteilles de cidre.

Nous pensons à nos proches, à nos amis, à tous, et rédigeons des cartes postales avec des formules qui nous procurent des belles crises de rire. Alain excelle dans ses improvisations. Comme d’habitude, il foisonne d’idées et d’humour devant nous trois et nous rentrons à pied en pleine nuit sur la route déserte, juste équipés d’une lampe de poche en communiquant avec les oiseaux nocturnes.

Des orages nous font des clins d’œil dans le lointain et nous partons rejoindre nos sacs de couchage après une journée magnifique.

Une chouette hulotte se marre une dernière fois en apprenant que ce sera Alain qui se lancera demain matin sur les sommets de l’Aubrac, quelques grillons lui répondent en écho. Bonne nuit les grands enfants !

Aujourd’hui notre bilan est 86 kilomètres.

Sur notre route Espalion.

Vendredi 8 Septembre 2006, jour 7, CONQUES.

Que se passe-t-il ? Aucun rayon de soleil ne vient caresser nos tentes, les premiers bruits du jour me semblent feutrés, j'essaie une sortie quand même mais nous sommes cernés par un brouillard à couper au couteau. Pas la peine de se précipiter ce matin il faut attendre un peu, je donne la consigne et j’entends la troupe se retourner dans la tiédeur des duvets.

Le brouillard finit par se lever et nous aussi, chacun part dans ses préparatifs personnels pour la journée. La pression monte pour le départ d’Alain programmé sur la route à la sortie du camping pour 9 heures précises. Il se conditionne pour se lancer, mes neveux le motivent, il nous fait le coup des pur-sang qui piaffent d’impatience avec quelques ruades avant d’enfourcher le vélo. Il a droit à de superbes paysages sur le plateau d’Aubrac entre les prairies et les forêts où les premières feuilles de l’automne se laissent tomber.

Au moment d’un arrêt pour lire sa carte du parcours, il se retrouve en déséquilibre et tombe dans le fossé, le nez à 3 millimètres dit-il d’un gros champignon vénéneux !!

Quel phénomène !!...

. . . Alain. . . pas le champignon !!

Il me passe le relais maintenant dans la vallée du Lot et nous pique-niquons un peu plus tard à proximité du beau village médiéval d’Estaing. Comme digestif je m’offre une belle petite grimpette dans laquelle je côtoie des pèlerins bien entamés par les pourcentages du chemin et leurs fardeaux.

Je m’amuse avec les petits développements du vélo qui pourraient nous faire grimper aux arbres. Tout continue d’aller très bien, comme dans nos prévisions. Quelle belle aventure.

Nous sommes maintenant dans l’Aveyron, les paysages ont un autre style et un charme différent.

Nous choisissons de camper à Conques auprès d’un pont romain. Nous profitons de la piscine avant de subir encore mes nouilles améliorées, mais cette fois, nous avons une belle table naturelle en pierre pour l’installation de notre repas. Ca fait un peu « hommes des cavernes » mais on s’adapte facilement à tout, dans notre équipe !

Un petit tour au clair de lune dans Conques by-night, histoire de se sentir un peu mieux dans la peau des pèlerins qui se recueillent avec les paroles évangélistes des pasteurs revêtus de leur bure blanche.

Au retour, à 11heures du soir, je fais à Alain une démonstration sur la route de ma méthode personnelle pour remise en forme de ma colonne vertébrale avant d’aller se calfeutrer dans cette nouvelle nuit bercée par la nature.

Aujourd’hui notre bilan est 97 kilomètres.

Le Quercy.

Samedi 9 Septembre 2006, jour 8, le Quercy, LIMOGNE-en-QUERCY

J’avais envie de faire cette belle route en lacets qui surplombe, dès le départ, les Gorges du Dourdou à la sortie de Conques. Je ne suis pas déçu. J’ai l’impression de survoler la région en avion, ou plutôt en planeur, car ça n’avance pas très vite à mon allure. Tant mieux, j’en profite encore plus.

Toujours des pèlerins qui avancent, têtes basses, en méditant sur leur sort. Il y en a un, complètement absent dans ses pensées, qui me coupe la route dans une descente et je passe tout près de lui. Il m’est arrivé dessus comme un oiseau de proie, c’est peut-être un faucon pèlerin !!

L’environnement change autour de nous en arrivant dans cette nouvelle et belle région du Quercy. Des propriétés entourées de murets en pierre, des bovins disséminés, ça et là au milieu des chênes verts. Nous pique-niquons dans le haut d’une colline, toujours sous le soleil.

C’est l’été indien. Encore une fois, nous avons de la chance, on nous annonce même 39°C sur la place de Cajarc devant chez Moulineau et son Schmilblic cher à Coluche.

Dans cette traversée immanquable, mon équipe logistique fait le tour du marché pendant que je continue notre périple. Ils ramènent une pizza pour l’apéritif du soir et Alain décide de se dévouer complètement à nos invités en m’annonçant qu’il préfère rester sur ses bonnes sensations de l’Aubrac. Il remet à plus tard ses envolées vélocipédiques. Il sait bien que j’aime faire du vélo, alors il me gâte en passant son tour de relais, et je me régale sur ma bicyclette voyageuse en filant toute la journée.

Notre arrêt camping se décide à Limogne en Quercy qui sera donc notre base de départ l’année prochaine, pour un nouveau tronçon en direction des coquilles de Saint Jacques de Compostelle.

Afin de préserver notre tranquillité nous fuyons les vieilles dames habituées du camping en s’installant à l’opposé de leurs emplacements. Nous nous sentirons moins observés.

Elles nous provoquent quand même de l’amusement en venant allumer le bâtiment sanitaire alors que nous préférons l’obscurité.

Elles allument et nous allons éteindre, c’est quoi ces rombières ? Que va-t-il se passer cette nuit ?

Lors de cette dernière soirée avec nos deux supporters qui nous ont rejoint le 5eme jour, se mélangent les projets futurs et les souvenirs de la semaine. Nous les conseillons aussi pour qu’ils prolongent leurs vacances dans des petits coins que nous connaissons déjà.

Alain et moi allons repartir sur Sens, dès le lendemain matin, comme prévu.

Ils nous avouent que nous leur avons donné envie d’être présents au départ de l’expédition 2007 et nous nous séparons sur la Place du Marché, le dimanche 10 Septembre, avec des coquilles Saint Jacques qui jouent des castagnettes dans nos têtes.

Aujourd’hui notre bilan est 101 kilomètres

Total de l’épisode année 2006 : 848 kilomètres

Un départ réglementaire !

Mercredi 5 Septembre 2007, an 2 jour 1.

Coucou, vous avez vieilli d’un an, nous aussi, on est en 2007… !

L’aventure continue…

L’automne et l’hiver 2006 se sont écoulés avec leurs journées frileuses, les photos et les images ont été ressorties quelques fois, d’autres projets se sont bâtis et des idées nouvelles ont fleuri avec le printemps.

J’avais proposé à mon petit frère, Jean-Marie, ses 58 ans et ses 82 kilos, de se greffer sur notre expédition. A mon grand plaisir il a accepté d’emblée comme s’il avait la certitude de partir dans l’espace avec des cosmonautes aguerris. Quelques précisions encourageantes plus tard l’ont conforté dans son engagement. De toute façon il ne pouvait plus reculer, un contrat c’est un contrat !

Et puis nous lui avons organisé une intronisation en bonne et due forme dès les premiers jours annonciateurs du printemps. Le deuxième étage coquille 2007 pouvait donc s’allumer !

Cette entrée dans notre confrérie a fait l’objet d’un baptême, avec partage du vin à boire ensemble sans trembler, dans une coquille Saint Jacques. Discours du Révérend père Alain inscrit sur un parchemin scellé à la cire, et remise du titre officiel de nouveau membre, sous encadrement protocolaire. Il a fallu se présenter à vélo au bord de la Vanne, notre petite rivière locale, la plus riante pour notre célébration, et consentir à l’acceptation de notre règlement : « Tout est proposé, rien n’est imposé ».

Au retour, nous avions programmé une séance de confirmation du baptême officiel (pour finir la bouteille).

Le compte-à-rebours de cette deuxième étape a permis à Jean-Marie de se familiariser avec son vélo, offert pour son anniversaire. Evidemment devant les exploits qui paraissaient se profiler à l’horizon, Thierry le neveu a décidé de programmer une partie de ses vacances pour revivre notre vie de saltimbanques et même de participer aussi.

Et puis, bien sûr le jour J de la deuxième étape est arrivé.

Mercredi 5 Septembre 2007.

Nous avons communiqué tous les cinq dans les dernières semaines avant notre départ. Sens est notre base de lancement familiale, c’est de là qu’aura lieu la mise à feu de notre drôle de fusée.

Il est 6h30, j’ai rendez-vous avec Alain pour organiser et charger notre véhicule commun.

RAS tout est au point, même la météo.

A 7h00 nous retrouvons le restant de la troupe opérationnelle. Mamie Simone s’inquiète de savoir si nous n’oublions rien, surtout pas les plats congelés qu’elle nous a préparés. C’est une logistique imposante maintenant, de partir à cinq avec deux voitures. Il y a de l’animation dans le quartier, nous prenons force photos des derniers préparatifs.

Départ exact à 8h00, direction la Sologne et nous prenons l’autoroute à Salbris en direction du Sud Ouest pour retrouver Limogne-en-Quercy.

Les kilomètres défilent bien et nous sommes déjà dans le Limousin à l’heure de la pause casse-croûte. Pas question de s’arrêter banalement au bord du trafic routier, nous avons repéré sur la carte le petit lac croquignolet de Saint Pardoux et déjà nous pouvons organiser notre cantine ambulante en distribuant les rôles. Alimentation au choix étalée sur la table. Alain sommelier, Denis au café, Jean-Marie au reportage photos. Assistance et agents de liaisons à nous tous alternativement.

Nous arrivons dans le Quercy vers 16h00 et retrouvons intacts nos souvenirs d’il y a un an, particulièrement l’endroit précis où nous donnerons le départ officiel de notre périple 2007.

En attendant, installation camping, démonstration par Alain d’une tente qui est censée se positionner en 1 seconde mais qui montre un peu de réticence pour sa première sortie. 2ème essai, tous les appareils photos sont en batterie pour ne pas rater le numéro de magie, ça y est, c’est réussi.

Lui, maintenant, il est prêt pour l’apéritif pendant que les autres s’affairent avec leur paquetage et l’orientation des toiles.

Après le montage des guitounes nous passons à la préparation des vélos avec essayage des montures. Tout va bien, même pas besoin d’utiliser la trousse de pharmacie, par contre nous sortons le jeu de boules pour que les perdants servent l’apéritif aux vainqueurs.

Nous enchaînons sur un dîner aux chandelles et nous partons au clair de lune faire une petite visite à l’étang tout proche sur lequel se reflètent les étoiles de cette nuit d’été envoûtante.

Direction Montcuq au soleil.

Jeudi 6 septembre 2007, jour 2, le plateau du Quercy, MONTCUQ

La nuit s’est avérée bien froide pour tout le monde, chacun s’est trouvé réveillé par le thermomètre qui s’approchait du 0°C au lever du jour. Mais nous avons toujours à portée de main un anorak ou une couverture de secours qui permet de se replonger pour quelques minutes dans une tiédeur bien douillette.

Les coqs aux alentours nous sonnent du clairon, les choses sérieuses vont commencer.

Nous retournons tous au point de départ prévu, à la sortie de Limogne-en-Quercy, sur la route D19, direction Lalbenque, capitale de la truffe paraît-il. C’est le moment, nous avons eu du pif pour choisir notre semaine de vadrouille, il fait un temps magnifique.

Nous avons fabriqué un registre pour les signatures des concurrents et avons imposé un horaire de départ avec possibilité de déposer des réclamations. Tout le monde en profite pour se défouler sur l’organisation dans une bonne humeur communicative et devant l’avalanche de remarques, nous déclarons le bureau des revendications clôturé depuis 5 minutes !!

Nouvelle crise de rire avant le lever du drapeau officiel effectué à 9h13.

Seule la réclamation du concurrent Poidevin a été acceptée : « j’ai pas d'pompe ! ».

En quelques kilomètres les trois sont éparpillés, chacun à son allure, Thierry et moi entamons un accompagnement touristique en choisissant des endroits pittoresques au bord de la route, et si possible ensoleillés, pour faire sécher les tentes encore humides. Je pars aussi approvisionner notre garde-manger, en prévision de la pause casse-croûte et du repas du soir. Nous nous retrouvons sur le parcours, il manque Alain qui est parti dans une mauvaise direction avant de reprendre la bonne route. Au pays de la truffe il a manqué un peu de nez dans cette histoire!

La traversée du Quercy est digne d’un dépliant touristique et nous offre un coin ombragé dans le haut d’une côte, après avoir retrouvé tout le monde. Cette mise en jambes impose un apéritif bien mérité et procure la grande satisfaction du devoir accompli chez tous les concurrents.

Jean-Marie s’installe immédiatement dans la position sieste. Alain retrouve une bière bien fraîche dans un endroit secret.

Le groupe de l’après-midi se constitue, je les accompagne. Nous passons par Cahors qui est difficile à trouver par les petites routes. Nous avons donné rendez-vous aux deux voitures vers le célèbre Pont Valentré, que nous atteignons facilement à vélo dans la circulation du début d’après-midi. Au point de rencontre, personne, j’appelle Alain pour savoir où ils en sont, toujours tous les deux en pleine relaxe au coin casse-croûte!! Super insouciance sur l’écoulement du temps, et même du beau temps !

Nous convenons de nous retrouver plus loin sur notre trajet et nous, les cyclistes, nous quittons Cahors par une zone commerciale très encombrée que nous avons envie de fuir au plus tôt. Une belle petite côte en plein soleil nous ramène sur un plateau du Quercy qui va nous faire parvenir à notre étape du soir, au camping de Montcuq.

Les formules et les bons mots fusent en permanence sur cette ville qui fait partie de notre patrimoine depuis les années 70, par sa notoriété dans l’émission de télévision "Le Petit Rapporteur". Le camping n’est pas facile à trouver à Montcuq, ça commence bien. Comment va se passer la nuit dans la région de Montcuq ? Nous sommes tellement bien à Montcuq que la soirée se prolonge par une visite nocturne et nous décidons du lieu de notre départ pour le lendemain matin, juste à l’entrée de la "Rue du Petit Rapporteur", inaugurée officiellement quelques semaines plus tôt. Tout s’organise aussi dans l’improvisation chez des saltimbanques comme nous!!

Aujourd’hui notre bilan est 100 kilomètres.

On disait donc, départ réglementaire.

Vendredi 7 Septembre 2007, jour 3, le Gers, AUVILLAR

Montcuq. Nous avons eu moins froid, évidemment dans…

Nous venons d’être réveillés par un âne des environs relayé par des chiens et des coqs. Ça sent vraiment la fin de saison. La gardienne du camp considère que nous sommes nombreux dans sa clientèle. C’est la première fois qu’elle voit autant de monde, nous dit-elle. Après enquête, elle n’est là que depuis le 1er septembre 2007, et nous sommes le 7 !

L’équipe du matin se prépare comme convenu, "Rue du Petit Rapporteur" et signe le registre de départ sous le regard souriant de quelques passants, le soleil toujours avec nous. Départ effectif 9h25.

Ca y est ! ils sont lancés. Thierry et moi nous nous occupons de l’approvisionnement pour le ravitaillement de la journée et partons à leur recherche sur le parcours.

Aïe, aïe, aïe, il y avait une grosse côte à la sortie de Montcuq, ils ont dû en baver… mais tout c’est bien passé puisqu’ils sont plus loin, même beaucoup plus loin !

Quels champions ! Nous revenons en premier sur Alain qui roule comme d’habitude à son train et qui m’assure que tout va bien. Les autres, un peu plus en avant, montrent une grosse motivation dans le vécu de notre aventure.

Jean-Marie m’étonne et me fait rire en roulant avec une serviette éponge en permanence autour du cou. On ne sent même plus les pédales ? Ils ont dû s’entraîner pour être au top de la coquille, je ne vois que ça !

Je profite de la récolte des melons du Quercy pour en acheter en prévision de la pause casse-croûte. Nous choisissons de nous installer à proximité du chemin des pèlerins marcheurs que nous apercevons régulièrement dans leur lente progression. Nous sommes passés aux vins régionaux conditionnés en cubitainers. L’évaporation due au soleil nous a imposé cette nouvelle méthode qui semble bien convenir à tout le monde au lieu des bouteilles classiques trop rapidement vidées.

L’équipe de l’après-midi se constitue et démarre sur une route plate et ombragée jusqu’à Moissac. Passage au-dessus de la Garonne et de son canal.

Nous arrivons maintenant dans le Gers et nous ne perdons pas l’occasion de visiter les beaux villages qui se présentent, par exemple Auvillar et sa place du marché à colonnes dans lequel nous retrouvons Alain et Jean-Marie en train de faire du tourisme eux aussi!

En fin de journée, nous choisissons un petit camping à la ferme, dans lequel des pèlerins se reposent les pieds à l’air. Comme nous, ils ont eu très chaud aujourd’hui. Après étude de la carte et du départ qui nous attend demain matin, nous apercevons une côte dès la sortie du camp.

Alors, pour toujours jouer le jeu avec notre « contrat » nous décidons, Thierry et moi, de la monter dès ce soir pour que les partants du matin soient dans les meilleures conditions d’envol. Notre bon cœur nous perdra, car dans cet aller-retour, sur seulement quelques kilomètres, nous crevons, lui de la roue arrière et moi de la roue avant !!

Nous disposons les tentes en cercle comme les cow-boys et commençons le repas avec de nouveau des melons achetés par l’intendance du jour, « les 5 pour le prix de 2 » ! record battu ! Ils sont excellents.

Le soleil nous offre un ciel magnifiquement décoré de couleurs chaudes, la nuit tombe, nous terminons le festin aux lumières de nos lampes portatives. Nous avons la visite d’un habitué du secteur qui nous prévient de la visite probable, dans l’obscurité, de beaucoup de gibier et d’animaux nocturnes.

Des lunettes de soleil ont disparu. Va t on les ramasser en miettes demain matin ? Alain imagine que les lunettes se retrouveront en pleine nuit sur le museau d’une biche ou d’un blaireau et c’est reparti pour une bonne dose de rigolade. Les cubitainers de vins de pays font leur effet très longtemps dans la nuit, et ce soir là, nous nous couchons très tard.

Réclamation de l’équipe du matin : « En vertu de quelle loi l’équipe du soir ne signe-t-elle pas le registre des présences au départ » ?

Réclamation notifiée et acceptée par les commissaires qui veilleront au bon déroulement de l’épreuve !

Aujourd’hui notre bilan est 85 kilomètres.

Je perce au pays du pruneaux

Samedi 8 Septembre 2007, jour 4, au pays de foie gras, EAUZE.

Bonne nouvelle ! Une concurrente vient de récupérer ses lunettes égarées la veille (probablement enfumées maintenant par les vapeurs et les effluves de nos vins régionaux).

La nuit a été calme dans notre clairière bordée de champs de tournesols, quelques bruits sans importance, biches ? renards ? En tout cas dans le secteur, un coq est complètement déréglé pour chanter à 4h30 du matin, les autres en phase avec le lever du jour s’époumonent aux environs de 6h30.

Les rouleaux de PQ sont très sollicités, les melons du Quercy, savoureux, se rappellent à notre bon souvenir.

Notre organisation s’améliore nettement, tout le monde semble flâner aux lavabos ou sous la douche et cependant nous sommes dans notre tempo habituel, de vrais pros !!

Comme prévu nous rejoignons tous le point de départ repéré la veille où, dans notre grand geste de bonté, Thierry et moi avions crevé. Il s’agit de la place principale du petit village de Miradoux et nous sommes le jour du marché local, en plein folklore. Les trois concurrents s’alignent entre les fromages de chèvre, les pèlerins piétons, les confits de canards, et les commentaires savoureux des gens du Sud-Ouest.

Pas de caisses enregistreuses informatisées sur ce marché, les commerçants font leurs calculs à la main et à la craie sur leurs ardoises inusables et écologiquement dépourvues de batterie. Le départ est donné précisément à 9h28, nous avons finalement pris tout notre temps pour les préparatifs de cette nouvelle étape, ce qui n’empêche pas Jean-Marie et Alain de poser des réclamations officielles.

« Horaire trop matinal » et « Pourquoi la pompe arrive-t-elle après trois jours de course ? »

Mise en jambes, ce qui n’est qu’une formalité pour ces valeureux coureurs, dix kilomètres de plat et de descente au milieu des vignes, des maïs et des melons.

C’est tellement la liberté absolue que tout le monde se perd dans la région de Lectoure. Heureusement les téléphones portables et les cartes Michelin permettent le regroupement du troupeau du côté d’un beau petit village haut perché, nommé Lagarde. La place principale ressemble à un square, nous sommes tous seuls et profitons de cet espace pour étaler puis ranger nos affaires dans les deux véhicules d’assistance.

Thierry et moi sommes volontaires pour la suite du parcours maintenant dans les élevages d’oies et de canards. Après un départ donné dans les règles, je crève dans le premier kilomètre. Et plus tard encore deuxième crevaison pour moi, la réparation s'effectue sous un énorme panneau publicitaire, qui représente un pruneau, j'ai l'air fin à côté avec ma chambre à air !!

Traversée de Condom, Thierry et moi sommes seuls depuis un bon moment maintenant, nous apprenons qu’ils sont partis faire du tourisme et déguster tous les produits du secteur : foie gras, armagnac, etc, etc…

Nous ne sommes pas en reste et faisons une petite pause tous les deux, dans le petit village médiéval de Larressingle, château fort et petite route rien que pour nous.

Les commissaires chargés de la logistique nous rejoignent par surprise alors que nous sommes en train de picorer du raisin et de prendre des photos allongés en pleine relaxe dans les vignes… !

Camping le soir sur une base de loisirs où nous avons beaucoup de mal à nous regrouper dans une ville toute en cercle, Eauze.

Dîner gastronomique, foie gras à volonté et le reste au même niveau de qualité. Puisque nous sommes seuls dans ce grand parc, nous entamons en pleine nuit une pétanque, en éclairant uniquement le cochonnet à tour de rôle avec une lampe tempête. On ne saura jamais si le hululement des chouettes et des hiboux sont des signes d’admiration envers nos performances ou des méthodes d’arbitrage par des règles particulières aux rencontres nocturnes. La partie est longue mais pas acharnée, la lampe est bouillante, je me brûle un doigt et laisse un petit bout de peau dans l’affaire. C’est sûrement mon marquage au fer rouge de notre belle semaine.

Au loin, dans la ville, l’ambiance monte aussi avec une soirée de fêtards. Nous nous endormons sur des rythmes disco et des refrains que nous n'avions pas programmés mais qui nous bercent quand même au terme d’une de nos journées d'aventure.

Total du jour 85 kilomètres.

Manciet et ses arènes en bois.

Dimanche 9 Septembre 2007, jour 5, Pyrénées en vue, GEAUNE.

Réveil humide dans le brouillard des étangs qui agrémentent la base de loisirs d’Eauze. Quelques oiseaux nocturnes nous jouent du clairon vers 5 heures du matin. Des puces se sont faufilées dans certaines de nos literies. La chasse est ouverte.

Préparation méticuleuse des partants du matin. Nous devinons quelque fébrilité à l’appel des concurrents et le stylo des signatures du registre de départ trace des trajectoires bien nerveuses.

Réclamation ! Le coureur Poidevin Alain demande 5 minutes de pénalité à l’encontre du concurrent Champeau Thierry pour retard non-fondé sur la ligne de départ:

« Motif absolument inadmissible pour un concurrent de cette valeur ».

- Départ réel 9h43 (donc 9h48 pour Thierry).

Nous approchons des Landes, les pins et les fougères nous offrent leurs parfums et nous passons juste à côté d’une arène construite toute en bois et superbement décorée, à Manciet.

Le circuit automobile de Nogaro n’est pas pour nous, en revanche nous reprenons notre jeu de cache-cache sur les nombreuses petites routes qui nous redonnent encore l’occasion de nous perdre. Jean-Marie et moi, chauffeurs du matin, réussissons à rassembler et retrouver nos trois cyclistes vers une heure de l’après-midi, en les récompensant de bières bien fraîches.

Ils veulent poser réclamation. Trop tard, le bureau vient de fermer. Ils menacent de déposer une requête à la mairie, devant laquelle nous avons sorti le casse-croûte et finalement la qualité des bières atténue leurs ardeurs.

Départ à 14h25 de la place communale d’Arblade-le-Haut pour une nouvelle équipe.

Traversée d’Aire sur Adour. Je pense à notre grand-mère originaire des Pyrénées qui nous racontait comment elle pêchait des truites à la main dans sa jeunesse, vers les sources de l’Adour ! Bisous Mémère…

Nous avons beaucoup de difficultés à trouver les petites routes de notre tracé mais nous avançons finalement très bien, le parcours est relativement plat avec vent favorable.

En fin de journée nous décidons de camper dès qu’un coin sympa se présentera dans un « camping à la ferme ».

Les véhicules commencent à faire les recherches de camping. Sur notre parcours nous retrouvons Alain et Jean-Marie installés sur la terrasse de gens très sympa qui nous proposent de camper dans leur jardin. Notre aventure les amuse, nous passons à la dégustation des vins et des gâteaux régionaux mais nous ne voulons pas jouer les envahisseurs et nous décidons d'aller au camping municipal de Geaune situé à quelques kilomètres, mais nous promettons à nos hôtes de leur envoyer le tee-shirt de notre confrérie.

Je rejoins la ville en vélo avec les jeunes car il fait beau. Nous apercevons les Pyrénées, super! Vite une photo !!

Très bonne décision, nous passons une nouvelle soirée sans problème et cette fois je ressors mon menu favori avec des nouilles pour tout le monde. Nous sommes observés par des curieux et, pour nous amuser, nous en rajoutons volontairement pour accroître leurs interrogations. Belles crises de rire. Chose importante, nous apercevons depuis notre emplacement stratégique, l’entrée de la cave coopérative où nous serons les premiers clients demain matin, dès l’ouverture, promis juré !!

Total journée 78 kilomètres.

Deux frangins au Pays Basque

Lundi 10 Septembre 2007, jour 6, aux portes du Pays Basque, SAINT PALAIS.

Grand moment d’émotion : ce matin les cyclistes seront mon petit frère, Jean-Marie, et moi, pour rouler dans une brume qui donne encore plus de saveur à nos retrouvailles d’enfance. Il voulait bien rouler à la fraîche « mais pas trop tôt quand même ! ». Son équipement est vraiment au top de l’aventure, feu rouge arrière, casque, anorak respirant et toujours la serviette éponge autour du cou. Génial !!

Les voitures et les trois autres nous rejoignent. Alain, radieux, a réussi une belle négociation pour des cubitainers de vins locaux, rouge, rosé, 10 litres, 5 litres. A bas les contrôles antidopage !!

Jean-Marie et moi sommes encouragés par nos commissaires du jour au bord de la route, jusqu’à la pause que nous choisissons dans le village de Morlanne. Il nous plaît beaucoup avec son château et ses décorations conservées après un concours d’épouvantails !

Nous sympathisons avec des coureurs à pied qui se relaient entre Nantes et Madrid sur le même principe que nous avec le véhicule d'assistance et ambiance haut de gamme.

Le casse-croûte se fait dans une forêt de pins bordée d’une route rectiligne, sur laquelle nous traçons une ligne de départ pour l’équipe de l’après-midi qui se présente pour signer le registre à 14 heures.

- Le coureur Poidevin Alain déclare posséder un certificat médical pour report du départ de 15 minutes, les commissaires décident de n’accorder que 7 minutes pour cause de contrainte horaires d’antenne pour le direct à la télé.

- Départ 14h07

- Problème mécanique du coureur Poidevin Alain au kilomètre 0,2…

- La jeune garde s’échappe et laisse Alain gérer sa course.

- Abandon du coureur Poidevin Alain au kilomètre 4 : « il fait trop chaud ».

- Malgré l’insistance des commissaires, le coureur retire son dossard et s’engouffre dans la voiture climatisée en sollicitant un remplaçant.

Evidemment, je me désigne sans me forcer, moi qui aime faire du vélo, pendant qu’Alain se refait la santé.

Je rejoins les jeunes au moment où nous passons le Gave de Pau. Nous sommes attirés par un panneau publicitaire qui nous vante les saumons sauvages des Pyrénées et nous sautons sur l’occasion avec un appétit féroce en imaginant le repas du soir. Nous ne trouvons rien qui puisse ressembler à un saumon, même modeste, à Navarrenx. Pourtant la visite vaut le détour.

Les paysages deviennent plus accidentés et boisés. Un gros serpent écrasé sur la route témoigne d’une faune prête à se frotter à la civilisation.

L’heure approche maintenant pour penser au bivouac du jour. Les chauffeurs, ont pris l’initiative de l’enquête et nous appellent pour nous orienter vers un camping qui s’avère finalement fermé, au pied d’une descente, en dehors de notre tracé officiel !!

Les réclamations fusent !

Les vaches !! Demi-tour, la côte à remonter pour ceux qui veulent, et direction la ville de St Palais, porte du pays Basque, à côté du terrain de rugby.

Nous sommes accueillis comme des princes, le gardien du camp nous fournit des tables et des chaises, grand confort !

Après installation, nous étalons nos cartes routières très détaillées, pour les premiers cols officiels qui se présentent dans notre programme du lendemain.

On me pose plein de questions sur les difficultés précises, je sens chez tous les quatre une petite pointe d’inquiétude que je balaie négligemment dans un geste de barman en servant des bières bien fraîches. Les voilà rassurés, je reste persuadé qu’avec notre météo favorable nous pourrons tous, chacun à notre façon grimper des pourcentages insoupçonnés, il y a quelques jours encore.

A la deuxième bière, Alain et Jean-Marie, sont partants pour démarrer cette fameuse étape du lendemain. A la troisième ils se mettent à scruter très exactement les indications des cartes Michelin, à la lumière de leur lampe frontale, car la nuit a fini par tomber.

Le temps passe trop vite !

Ca y est, ils sont d’accord !!

Total de la journée 101 kilomètres.

Alain dans le col d'Ipharlatcé.

Mardi 11 Septembre 2007, jour 7, l'Espagne, RONCEVAUX.

- Hier soir, très tard, les commissaires ont rejeté une réclamation de deux concurrents présentée sur un formulaire non-conforme aux normes européennes de Bruxelles.

- Le coureur Poidevin Alain a fait l’objet de 2 minutes de pénalité pour avoir utilisé son bidon en dehors des zones de ravitaillement, bien qu’il ait déclaré : « j’avais soif de mon plein gré ».

- Il a souhaité faire appel à la clémence du jury et s’est ravisé en précisant : « ça m’a permis de limiter les dégâts, vous pouvez vous les garder vos 2 minutes ».

Au matin, tout le monde est très concentré sur cette étape qui sera la dernière de l’expédition de l'année 2007. Même les coqs sont convenablement réglés sur l’heure du réveil avec les églises du village. Le registre des signatures au départ est tenu par l’équipe féminine. Nous avons le décompte exact du temps sur un grand panneau d’affichage au terrain de rugby, et une barrière officielle à la sortie du camp qui libèrera les concurrents. Nous avons même des spectateurs dans la tribune : Il s’agit d’une classe qui est en cours d’éducation physique. Le prof de gym n'a pas l'air de les intéresser beaucoup, en revanche des regards envieux montrent que notre manège leur donne envie de se joindre à nous.

Pour ma part, en tant que commissaire, je mène une enquête discrète, car, en ouvrant mon coffre de voiture un cubitainer de 5 litres m’est tombé dans les bras. S’il y a tentative de corruption par un coureur, l’auteur doit être démasqué. Nous n’accepterons aucun pot de vin !

- 9h03

- Le coureur Champeau Jean-Marie se dit retardé par un coup de téléphone impromptu au moment de la vérification des bicyclettes. Nous pensons qu’il s’agit d’un détournement manifeste de protocole afin de déjouer notre attention. Cela provoque aussi une grande fébrilité chez le leader Poidevin Alain qui pose réclamation. Je cite :

« Interdiction de prononcer ou de parler du mot col à n’importe quelle heure ».

Nous déclarons barrière levée à 9h10 pour libérer les coureurs. Aujourd’hui le podium se joue probablement. La tension est à son comble puisqu’ils s’appellent non plus entre eux « coureurs » mais « concurrents ».

- Le registre des signatures de départ doit être vérifié et validé plusieurs fois. Sous sa signature, le coureur Poidevin Alain a rajouté « montée des cols sous réserve ». Nous acceptons malgré tout cet engagement important pour la beauté du sport, et la gloire du vélo.

- Au kilomètre 0,3, le coureur Champeau Jean-Marie appelle sa voiture suiveuse pour récupérer sa serviette de bain fétiche, qui cerne traditionnellement son cou puissant. Sans elle, il menace de stopper sa carrière ! L’inquiétude se lit sur les visages des organisateurs qui déclenchent immédiatement une opération d'assistance.

- Tout est rentré dans l’ordre, les deux partants progressent maintenant de concert jusqu’au pied du premier col servi par des petites routes superbes.

Les premières rampes provoquent l’éclatement du groupe, chacun roule à un rythme différent.

La route s’élève, les villages s’éloignent et nous découvrons des paysages basques magnifiques. Nous essayons de leur procurer à la fois des encouragements et de la tranquillité. Jean-Marie et Alain m’étonnent d’application en suivant nos conseils « ne te presse pas, prends ton temps, ne force pas, si tu es en équilibre et que tu pédales, tu avances !! ».

Mètre après mètre, les hectomètres, les kilomètres défilents et nous survolons maintenant toute la région. Passé Ostabat-Asme, les photos crépitent, ils sont en haut, super !! Quel bonheur simple d’avoir joué avec la route et un vélo !! Ils s’en rappelleront, c’était leur col : Ipharlatcé, et sans poser le pied par terre s’il vous plaît !!

Quelques respirations plus tard et après vérification des machines, ils se laissent griser par la descente dans laquelle ils slaloment entre des vaches en liberté. Nous choisissons un petit coin sympa sous un châtaignier pour le casse-croûte et pour fêter le passage d’Ipharlatcé.

L’équipe de l’après-midi s’élance à 13h45, je vais encadrer les jeunes à l’abordage des deux cols qui se présentent devant nous, le Gamia attaqué par Ibarolle avec ses pourcentages surprenants et le Roncevaux ou Ibaneta qui doit nous emmener en Espagne !! C’est dingue, l’Espagne !! Oui, vous avez bien lu, l’Espagne, quelle histoire !

La méthode est la même : tranquille, chacun à son rythme, hors de question de se faire du mal, on avance, on y va… et on arrive.

En pleine montée, première crevaison de Thierry mais belle récompense, il est beau ce petit col, le Gamia, mitraillage photos, souvenirs en stock. Dans la descente Thierry va encore subir une série de crevaisons qui vont l'atteindre au moral. Non, ce serait trop bête d'abandonner si près de la frontière espagnole car c'est un passage mythique dans notre aventure. On l'encourage, c'est reparti.

Nous traversons Saint Jean Pied de Port encombré par la circulation et beaucoup de pèlerins. Plusieurs parcours de marcheurs se rejoignent ici. Nous préférons vite retrouver de l’espace ! Il y a trop de monde aujourd’hui. J’ai quand même une petite pensée pour la traversée des Pyrénées que nous avions faite il y a 6 ans avec Alain car à cet endroit nous empruntons la même route. Ce jour là nous avions subit une tempête mémorable.

Nous sommes bientôt en Espagne et je devine presque 20 kilomètres de grimpette, Aïe, aïe, aïe mes deux jeunes, allez, vous y arriverez, nous avons tout notre temps, n’hésitez pas à marcher s’il le faut…

Et puis non, pas besoin de pousser le vélo, juste quelques arrêts de précaution pour se faire une petite santé et le voilà, même dans le brouillard de cette fin de journée, il est beau : col d’Ibaneta (1057 mètres).

Alain est resté près de nous en voiture suiveuse avec des vêtements chauds. Jean-Marie est parti à la recherche d’un camping sur notre parcours espagnol. Il s’occupe de l’installation des tentes car le soleil est déjà caché. Allez hop, tout le monde se lance dans la descente.

Aux retrouvailles, bravo, c’est super, on fait la fête, direction le restaurant du camping.

Au menu, quelques surprises qui nous enchantent et qui nous font rire : dans la traduction annoncée nous avons « mâchoire de veau » et en dessert « tarta ». On nous sert ensuite : bœuf bourguignon et glace, belle traduction !! En prime, on nous fait comprendre qu’il faut sortir vite pour débarrasser les tables.

Quelle rigolade ! Nos premiers contacts avec l’Espagne sont très surprenants !

Tant pis, avant de quitter le restaurant et puisque nous ne sommes pas les derniers à partir nous en profitons pour noter les réclamations du jour :

  • concurrent Champeau Thierry : « selle non-conforme à son anatomie »
  • concurrent Poidevin Alain : « n’a pas pu emmener une vache sur son porte-bagages »
  • concurrent Champeau Jean-Marie : « inscription obligatoire aux cours d’espagnol de la chambre du commerce »
  • concurrent Champeau Denis : « c’est dommage que ça se termine, vivement la ligne de départ 2008 ! »

A la sortie de ce restaurant bizarre, Alain se prend de pitié pour un petit chat qui mendiait par là. On ne sait plus lequel des deux finit par adopter l’autre et les voilà partis dans un numéro de cirque avec démonstration de domptage. Le chat, baptisé « Tarta », en hommage à nos premiers exploits linguistiques, et le dompteur sont très brillants ce soir, ils sont tellement complémentaires qu’ils finissent par dormir ensemble, le chat sur l’oreiller et Alain, là où il reste de la place !!

En principe, il est prévu que demain matin le chat parlera le français !!

Quelques bruits nocturnes sont perceptibles, j’entends Jean-Marie qui respire, non ! je me suis trompé, il regonfle discrètement son matelas, après avoir rechargé sa lampe de poche à moulinette.

Total de la journée 79 kilomètres.

Les commissaires de l'épreuve.

Mercredi 12 Septembre 2007, jour 8, le retour par les Landes.

Nous émergeons de nos couchages au milieu d’un brouillard très épais qui va heureusement se dissiper avec le lever du soleil derrière la chaîne des Pyrénées. Le chat, Tarta, adopté par Alain pour la nuit, est confortablement installé pour continuer une grasse matinée, alors qu’Alain a les traits bien fatigués d’une nuit agitée. Nous avons droit quand même au spectacle international de ces deux phénomènes avec musique de la troupe.

Le chat est un habitué du contact avec les campeurs et sans regret, nous l’observons s’éloigner de nous pour mener sa vie future de gros matou.

C’est fini pour cette année, chacun replie ses affaires et nous entamons notre retour à la maison en reprenant la direction de la frontière française par le col d’Ibaneta, que nous avons gravi la veille. Ce matin nous avons de la chance, il fait très beau et ce retour sur le parcours nous impressionne. Les pourcentages de la route que nous avions empruntés, ne sont pas négligeables.

Nous remontons le pays basque, puis les Landes, nous avons prévu de pique-niquer ensemble avant de nous séparer dans cette fin de voyage. En effet, les actifs doivent rentrer pour reprendre le boulot alors qu’Alain et moi avons prévu une incursion dans les vins bordelais pour le lendemain. Petit supplément possible dans notre vie de retraités !

L’odeur forte de la sève des pins parfume notre repas et nous improvisons, Alain et moi, la proclamation des résultats en fabriquant un podium local avec des rondins de bois.

Après délibération du jury, « the winner is », le vainqueur est (au poids dit-il): Champeau Jean-Marie, plus haute marche, bouquet confectionné avec une branche et surtout félicitations du Président du jury : Alain !

Les autres concurrents, sous les applaudissements, petite feuille de chêne, poignée de main du Président représentant également Monsieur le Conseiller Général avec ses dossiers sous le bras. Quelle crise !!

Photos souvenirs, interviews, embrassades, rigolades. C’était bien. C’était chaleureux. Nous nous séparons, des images plein la tête, heureux d’avoir encore vécu une belle semaine.

Alain et moi nous allons flâner en stage d’oxygénation sur une plage des Landes et remettre en place nos muscles, nos idées, notre livre de bord, nos souvenirs et nos projets pour la prochaine mission. Quel travail !!!

Total de l’épisode année 2007 : 528 kilomètres.

Nourriture terrestre sur le chemin.

Lundi 1er septembre 2008, an 3, jour 1, l'Espagne, PAMPELUNE.

2008, année terrible pour les 2 organisateurs !!

L’usure du temps est venue sournoisement briser l’élan et les projets du Révérent Père Alain en lui entamant son capital santé. Il se voit contraint d’abandonner momentanément la continuité de notre folle aventure !! La coquille est émoussée mais pourtant encouragés par ses paroles et ses vœux de réussite nous voila partis tous les quatre le 1er septembre sur le lieu de départ de notre troisième étape.

Naturellement un gros pincement au cœur va nous accompagner tout le long de la semaine sur le parcours qu’il a savamment concocté.

Premier jour, nous avons imaginé rejoindre l’Espagne pour la fin d’après-midi et nous délasser les jambes de notre voyage en voiture. Je récupère donc mes trois lascars à 5 heures du matin sur notre base de départ sénonaise chez Mamie Simone, qui devra subir notre réveil matinal ! Pas de problème elle s’occupera des légumes de son jardin dès notre envol.

Je suis atteins dans mon enthousiasme malgré moi, j’ai une impression bizarre de me sentir orphelin de l’initiateur de cette aventure formidable. Je revois le jour où Alain m’a lancé l’idée :

- « et si on allait à St Jacques de Compostelle ? c’est la destination à la mode !! »

- « ben oui, bonne idée, tu rebois une bière !!!? prépare les cartes !! »

Aujourd’hui la vie continue, nous saisissons la chance d’en profiter en pensant fort à lui, alors oui, c’est reparti.

On se relaye au volant de la voiture avec Jean-Marie et nous sommes déjà dans les Landes à l’heure du casse-croûte. Nous retrouvons nos fonctions respectives d’organisation. J’essaie de suppléer Alain dans la mission dévolue aux bouteilles mais je ne fais pas le poids, je délègue le service boisson et je ferais mon rapport à Alain. Tout le monde regrette son absence. Notre coach est inimitable.

Nous reprenons notre route de l’an passé par Saint-Jean-Pied-de-Port pour rejoindre l’emplacement prévu de notre reprise. L’Espagne se présente en fin d’après-midi. Déçus par le camping de fin d’étape 2007 et son restaurant peu chaleureux, nous démarrons bille en tête sur les vélos pour poursuivre le chemin espagnol.

Les jeunes sont partants pour la remise en route en compagnie de Jean-Marie qui piaffait d’impatience pour retrouver les sensations de cette aventure exceptionnelle. Je leur trace le parcours envisagé et ça y est, ils se lancent sur une petite route descendante le long d’un torrent ombragé. Bientôt, le paysage devient brûlé des chaleurs de l’été et nous décidons, après une quarantaine de kilomètres de rejoindre un camping (pas terrible) du côté de Pampelune.

Jean-Marie posera une première réclamation en arguant que ce camping, très cher pour les services attendus, devient vite insupportable la nuit, quand on est bercé par le doux gazouillis des camions passant sur l’autoroute toute proche !!

Réclamation enregistrée sans grande conviction, les commentaires d’Alain nous manquent cruellement.

Nous quitterons le secteur au plus vite pour retrouver notre parcours immergé dans la nature.

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"LE" pont.

Mardi 2 septembre 2008, jour 2, la Navarre, PUENTE la REINA.

Voila bien notre première étape véritable.

Photo de circonstance devant une borne du pèlerinage qui marque le tracé du chemin vers Saint Jacques. La route est un peu défoncée par endroits. Nous sommes dans la région de Navarre sous un soleil voilé. Il fait chaud, la végétation a été grillée par l’été qui se termine.

La traditionnelle partie de boules acharnée que nous avons effectuée hier soir, à la lumière des lampadaires du camp, n’a aucun effet sur notre réveil matinal. De plus, la circulation se multiplie sur l’autoroute proche. Alors, rapidement tous les quatre, sommes pressés de quitter ce mauvais camping aux douches bouillantes et à la facture salée !!

Notre point d’arrêt de la veille bientôt rejoint, l’équipe du matin est presque complète, Thierry reste seul à l'intendance. La journée où nous traversons la Navarre. Mon « petit frère » s’est perfectionné depuis l’année dernière, il n’est plus équipé d’une serviette éponge autour du coup mais d’un gant de toilette, plus léger, dans une pochette de soins et confort !!

Beaucoup de champs brûlés presque blanchis par le soleil des dernières semaines. Des vignes, mais aussi de beaux petits villages aux maisons typiques. Les portes en bois sont cloutées avec des ferrures superbes faites par des artistes forgerons. Les églises, qui bordent le chemin des pèlerins leur permettent de prier et de méditer sur leur destination des jours prochains.

Pour nous, c’est aussi l’occasion d’une pause de visite et de relaxe. Nous choisissons bien sûr un coin magique aux senteurs de résine pour notre pause du midi, dans une forêt de sapins, où nous aurons le loisir d’étaler quelques affaires encore humides. Nous venons de passer à Puente la Reina le point de jonction de toutes les voies pour rejoindre Compostelle. Ca devient sérieux, d’autant qu’on ne peut pas éviter d’évoquer les millions de pèlerins qui ont foulé ce chemin au fil des siècles. D’une certaine manière nous leur rendons hommage.

Je repars l’après-midi en vélo avec les jeunes alors que Jean-Marie s’installe dans une sieste digestive. Une grande pancarte sur l’autoroute, que nous côtoyons un moment, indique par la voie rapide Santiago de Compostelle 724 kms !!

Notre parcours sillonne les vignes, nous testons la qualité des raisins et Jean-Marie nous retrouve après avoir fait le tour d’un supermarché pour l’intendance.

Une partie de l’équipe décide de ranger le vélo pour aujourd’hui, d’autant plus que Jean-Marie envisage de se rapprocher des produits locaux pour les tests prévus à notre apéritif du soir. Effectivement, alors que nous moulinons Thierry et moi dans une côte sous le soleil, on aperçoit la voiture garée discrètement sur le parking clientèle d’une cave monastique aux vins réputés !!!

C’est ce que nous appelons dans notre confrérie : « la technique Alain !! »

La mission de la voiture d’intendance devient ensuite la recherche d’un camping. Nous avons la confirmation que l’Espagne nous pose un peu de problèmes à ce sujet là, mais, pas de panique, Thierry et moi continuons le pédalage en visitant et en attendant des nouvelles au téléphone portable.

Il est loin le temps où l’on se cherchait partout dans nos expéditions de pionniers entre Alain et moi sans téléphone !! Tiens, je pense encore à lui !! ça ne m’étonne pas, nos improvisations et nos inventions ont souvent été de grands moments mémorables !!

Quelques cigognes s’amusent à nous regarder depuis leurs nids hauts perchés.

Les kilomètres défilent.

Ca y est le contact est établi. Un commissaire logistique du jour reste pour planter les guitounes à Logrono pendant que l’autre vient nous chercher sur le parcours à Oyon. Il nous retrouve, Thierry et moi sur la place de l’église, assis devant deux bières pression bien fraîches. Nous en profitons pour faire rapport du soir téléphonique à notre PC logistique de l’organisateur en chef Alain, coincé à Sens par sa santé perturbée.

Le pauvre, allez, on compte sur toi pour la prochaine fois !

Il reste égal à lui-même dans ses encouragements, ses remarques délirantes, et son à propos judicieux par rapport au parcours qu’il a tracé et qu’il connaît par cœur !

Nous retrouvons le campement à la nuit tombante, et, dans la tiédeur du soir nous entamons les spécialités locales découvertes par Jean-Marie avec des appréciations diverses !!

Chorizo un peu gras, cubitainer de vin tout juste fruité, fromage moins épicé qu’un sac de plâtre.

On a connu des jours meilleurs… ! vite les pâtes de secours… allez on fini le cubi, on n’en parlera plus !! Ouais !! Le melon, Jean-Marie !! Super bon celui là !!... allez bonne nuit !

Total journée : 101 kms.

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Un tout petit cycliste dans la Rioja.

Mercredi 3 septembre 2008, jour 3, la Rioja, SANTO DOMINGO DE LA CALZADA.

Le réveil de la troupe est difficile, les tentes tenaient en équilibre précaire sur le sol caillouteux, ce qui avait empêché la plantation des piquets hier soir.

La nuit a été chaude, Jean-Marie a fait tous les tests possibles pour son confort, une jambe dehors, deux jambes dehors le torse nu, le pyjama, le matelas moins gonflé, le matelas bien gonflé, les fermetures Eclair ouvertes, fermées, entre-ouvertes… enfin bon !! il se déclare prêt pour l’équipe du matin !! C’est le principal !!

Moi, j’avais les ficelles de la guitoune dans les doigts de pieds mais à part ça cela j’ai plutôt bien dormi.

Les jeunes, eux sont impatients de reprendre les vélos. Nous quittons le camping et apercevons un espagnol qui se manifeste en nous faisant des grands signes à la sortie du camp. Stop !?

Un casque était resté sur la voiture en repartant tous les quatre sur notre départ du jour. A Oyon, l’église n’a pas bougée, elle est même à côté de la cave bodega coopérative des vins, ce sera notre base d’envol pour la journée.

Un mauvais conseiller local nous envoie sur une mauvaise route et je m’aperçois de l’erreur quelques kilomètres plus loin. Demi-tour, nouvelle mise au point et c’est reparti sur le parcours prévu par Alain. Encore une région truffée de vignes, mais aussi des falaises le long de la rivière Obro qui nous font penser aux westerns. Même une belle petite côte bien raide pour grimper sur un village perché n’entame pas l’avance de Jean-Marie. Là-haut nous découvrons un petit coin de paradis, aménagé sous un figuier par un habitant qui a installé un coussin et un banc loin, très loin de la turbulence des villes !!

Nous trouvons un coin pique-nique pour le midi, sous les amandiers, les vignes et les raisins à portée de main. Profitons-en car la suite nous réserve un peu trop de circulation à notre avis.

Nous avions étudié les cartes et envisagé une dérogation d’Alain (seulement en cas de danger et de trafic important) dans la Rioja le secteur qui relie la Navarre à la Castille. Alors, c’est décidé, après avoir suivi la route nationale sur la bande cyclable, nous fuguons dans la montagne à partir de Santo Domingo de la Calzada. Notre étude de terrain s’effectue devant le poste de passage officiel des pèlerins, et nous profitons de l’opportunité pour obtenir un coup de tampon, en bonne et due forme, sur notre livre de bord. Ce sera une justification supplémentaire et souriante de notre mission au moment des comptes-rendus avec Alain. Je le vois bien en train de valider notre initiative et d’empiler les commentaires.

Seulement, le vent et les longues lignes droites n’ont pas inspiré mes compagnons du matin. Je me retrouve donc seul pour jouer du vélo et nous amener au pied des petites montagnes qui se rapprochent à vue d’œil. Aucun problème pour gérer mon allure et mon moral intact avant de retrouver la troupe en pleine forme. Les voilà, motivés devant les cols qui se présentent. Nous passons allégrement l’alto de Pradilla 1260M et laissons à Jean-Marie le soin de partir à la recherche d’un camping en fin de journée.

Super !! il nous trouve l’étape idéale, pleine de verdure, avec des oiseaux, un torrent, de la place à revendre, et le col suivant à portée de fusil, pour demain matin !!

Total journée : 114 Kms.

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Le chateau de Castrojeriz.

Jeudi 4 septembre 2008, jour 4, BURGOS.

Hier soir, sous les étoiles, nous apercevions les lueurs de la ville de Burgos qui se rapproche sous nos roues. Nous avons savouré notre première véritable nuit dans ce coin de nature qui me fait penser au Morvan. Je revois les premiers mètres du lancement de notre aventure devant la basilique de Vézelay en 2006 direction le Morvan justement… Quelle histoire !! j’ai une pensée émue pour Alain resté coincé à Sens.

Dans son impatience à tester aujourd’hui de nouvelles choses, Jean-Marie s’est équipé d’un cuissard long, flambant neuf. Puis il nous sort un de ses derniers achats locaux. Un prétendu jus d’oranges au nom pharmaceutique le Zumosol !!! Tout le monde y goûte, personne n’en reprend. Heureusement qu’il n’a pas pris un cubi. Nous l’encourageons toutefois à ne pas baisser les bras devant la subtilité des spécialités locales et le motivons aussi à se lancer dans l’ascension du col déjà amorcé, la veille : « oui mais je reprends du Zumosol » nous dit-il !!

Nous voilà donc partis, pour se retrouver au passage de Alto el Matorro 1160m sous les nuages annonciateurs d’averses. Les premières gouttes nous transpercent de fraîcheur en rejoignant une portion de route nationale. La pause s’impose et nous trouvons refuge au chaud, devant un café serré, qui nous remet les esprits en place.

C’est décidé, nous choisissons de manger à midi, un peu plus loin, dans un restaurant de campagne, dès que l’occasion se présentera sur le parcours. Capuchons de sortie nous filons prudemment sur les quelques kilomètres de voie cyclable qui longent la route encombrée et aspergée.

C’est fait, nous retrouvons les petites routes et avançons à la découverte de l’imprévu sur notre parcours. Notre flair fonctionne à merveille, c’est dans un petit village de la région de Burgos qu’un restaurant nous ouvre les bras avec ses spécialités et ses clients fidèles. Nous essayons tout ce qui est proposé en faisant tourner les assiettes, boudin, thon, calamars, tortillas, encornets farcis, paella, escargots noyés dans une sauce au chorizo. Bon on oublie, les escargots. Desserts, café, addition… hasta luego !!

La pluie s’est arrêtée quand nous traversons les faubourgs de Burgos. C’est même mieux, le soleil revient pour nous colorer les champs parsemés de quelques arbres qui tranchent avec le bleu du ciel. Nous avançons dans un paysage coloré où les chemins serpentent cherchant l’horizon.

Je suis avec les jeunes qui découvrent avec moi les astuces pour s’abriter du vent de face à vélo. Puis je termine la journée, seul avec Thierry, vent arrière cette fois, pendant que nos deux autres compères motorisés nous trouvent un camping en terrasse au pied des ruines du château féodal de Castrojeriz.

Les guitounes sont plantées, le couvert est mis, l’apéritif est préparé, au moment où nous arrivons. Il y aura bientôt les pom-pom girls et la fanfare quand nous arriverons si ça continue comme ça !!

Une concurrente fait état d’une réclamation qu’elle aurait faite à 9h35 au départ ce matin, vélo déraillé soi-disant. Ce point est inscrit à l’ordre du jour du rapport téléphonique à Coach Alain.

Réclamation rejetée !! Le coach nous fait savoir qu’il va reprendre les choses en mains. Des réclamations qui arrivent comme ça, enfin de journée, à l’apéro, on a jamais vu ça !!

Total journée : 110 Kms.

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Sortie du village qui a changé de nom.

Vendredi 5 Septembre 2008, jour 5, la Castilla de Léon, LAGARTOS.

D’après nos calculs, avant de réintégrer la vie courante, nous allons effectuer notre dernière journée complète de vélo. Alors, chacun se prélasse discrètement dans son sac de couchage et c’est à 8 heures moins 20 seulement que nous jouons du clairon pour entamer la journée.

Tout le monde remarque qu’il y a du laisser aller en l’absence d’Alain. Quand il est là, le lever est à 7 heures, les signatures des feuilles de départ sont tenues à jour, la vérification des machines se valide dans un parc officiel…

Je ne me sens pas à la hauteur de son professionnalisme !

Tant pis, la mise en route reste une partie de plaisir, d’amitié, de fraternité et d’aventure pour aller voir ce qu’il y a au bout de la route…

Je suis de l’équipe du matin. Nous apercevons un cycliste, habillé en coureur et prêt à foncer dès les premiers coups de pédales. Nous délirons en imaginant qu’il ne sera jamais retenu pour intégrer une équipe comme nous. Il ne franchira peut-être même pas la première épreuve des critères de sélection concoctés pour Alain.

Exemple :

« Biffer les mentions inutiles.

Question N° 1 : Vous avez l’équipe à ravitailler.

  1. je cherche des flocons d’avoine, des fruits et des légumes.
  2. je considère que chacun est suffisamment pro, à lui de se débrouiller.
  3. je cherche une vino bodega et je négocie au mieux les cubitainers et les produits du terroir.

Question N° 2 : Votre leader couvre plus de kilomètres que prévu par l’organisation.

  1. Je lui supprime le Zumosol[1], je le fais uriner dans les bois et je lui impose le Pomerol.
  2. Je prends rendez-vous avec un sponsor ami d’une chaîne de télé.
  3. J’installe sa guitoune dans un coin à moustiques pour la nuit. »

Ca y est, la troupe se met en route, un vent très fort et défavorable se mêle de la partie lui aussi.

Ca souffle !

Bientôt, des pèlerins marcheurs encapuchonnés se retrouvent à proximité, tout prêt de nous. Le parcours vers St Jacques de Compostelle est maintenant devenu pour eux une autoroute de bornes balisées très fréquentées que finalement nous évitons souvent dans notre méthode de vadrouille à vélo.

Comme nous ne sommes pas véritablement pressés, chaque occasion de photo ou de souvenir particulier devient pour nous un motif d’arrêt et de décontraction.

Peu après notre décollage, nous traversons le village de Castrillo Matajudios à la sortie duquel un panneau annonce la couleur. Terminus 497 kilomètres. Ironie de l’histoire nous apprendrons que ce village à changé de nom depuis[2]. Il était temps qu’on fasse une photo.

Nous sommes gâtés il y a justement des écluses à étages sur une rivière, et juste à côté une fromagerie artisanale, la « queso san martin », avant la pause du midi. Professionnalisme du pèlerinage !! Nous nous installons devant une chapelle, entourée de peupliers, fouettée par ce vent violent qui, nous le savons maintenant se transformera plus tard en tempête meurtrière sur la côte atlantique !

J’organise la résistance au vent en mettant au point une méthode pour se relayer à l’avant du groupe qui progresse tant bien que mal.

Jean-Marie reprend le volant dans l’après-midi et nous le perdons dans une mésentente de rendez-vous à Carrion de los Condes (sur ce coup là nous sommes bien des condes !). La pluie s’est arrêtée mais le vent reste très fort sur les plateaux céréaliers de la Palencia.

C’est bon, la voiture nous rejoint, je reste avec Thierry pour avancer encore un peu sur le parcours. Les voilà partis à la recherche d’un prochain camping.

La pluie remet ça, le tracé, très précis d’Alain est scrupuleusement suivi à la lettre, mais la route se rétrécit, nous sommes seuls, bien seuls depuis un bon moment tous les deux. Enfin un village, un homme emmitouflé sous la tempête se frotte les yeux et s’inquiète de ces deux cyclistes d’un autre monde ! Il en interpelle un autre, nous leur demandons la route en montrant notre carte routière !!

Impossible, ce n’est pas goudronné, les doigts se vissent sur les tempes !!

Pas à cette heure là !! (il est 19 heures, il pleut). Nous contactons Jean-Marie, c’est le dernier jour, c’est décidé, ce sera notre arrivée 2008, prétexte et lieu de départ de la future étape 2009 !!... à moins qu’Alain décide de modifier le parcours quand nous lui ferons rapport de notre expédition.

Petite précision très utile pour ceux qui s’intéressent à notre voyage, préparez-vous à beaucoup de patience pour trouver ce petit village perdu dans la pampa : « Lagartos », plus de moutons que d’habitants ! Province de Castilla de Léon.

Nos commissaires nous rejoignent, nous chargeons les vélos, direction leur "camping industriel" à Sahagun, les pauvres ils ont planté les guitounes sous la pluie, nous sommes fous !

Le dernier soir, il est de tradition entre pèlerins bien élevés de manger au restaurant, alors, Sangria s’il vous plaît et faîtes chauffer en cuisine !! Le ciel devient sympathique lui aussi, les nuages s’éloignent pour nous gratifier d’un beau coucher de soleil, il est 21 heures !

Rapport téléphonique de la journée pour Alain, sa réponse est sans appel, il sera hors de question d’emprunter un autre parcours !!!

Quel phénomène, tant mieux, notre aventure va rester formidable !!!

Total journée : 82 kms.

[1]- c'est un jus qui n'a d'orange que le nom. Voir jour 4.

 

[2]- Littéralement le nom signifie « Castrillo Tuelesjuifs ». "Et pourtant c'est tout le contraire parce que Castrillo descend d'une communauté juive et il y a une étoile de David sur notre blason", disaient les habitants. Estimant que ce nom trahit l'héritage juif du petit village, son maire avait organisé un vote, le jour même des élections au Parlement européen, et promis de démissionner si les habitants décidaient de garder le nom actuel. Sur les 56 habitants en âge de voter, 52 ont participé au scrutin, dont 29 ont décidé de changer le nom. Le 23 octobre 2015, le panneau de la commune est officiellement changé. Celle-ci ne porte plus le nom de Castrillo Matajudíos mais Castrillo Mota de Judíos. (la poussière des Juifs)

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Nous laissons les pélerins en Palencia

Samedi 6 Septembre 2008, jour 6, retour en France à PAUILLAC.

Notre décision est prise, nous ne reviendrons pas à ce camping "industriel".

Le pliage des affaires, l’accrochage des vélos, nous commençons notre retour de bohémiens sous une météo devenue clémente. Achats du casse-croûte de midi au marché de Briviesca, je reste à la voiture pour faire le gardien et jouer avec mon stylo et ma mémoire.

Le retour du soleil nous encourage pour le pique-nique dans un champ miné de crottes de chèvres et de moutons. Jean-Marie nous a sélectionné une bonne botella de vino de la casa.

Malédiction !

Elle se renverse dans le champ. Si Alain savait ça !! On n’est vraiment pas à la hauteur !!

Séchage de guitounes, étalage un peu partout, mais pas trop de flânerie. Il fait froid et la route du retour nous attend.

Nous avons prévu Jean-Marie et moi de faire la surprise à nos jeunes de camper dans la région de Bordeaux pour leur montrer quelques propriétés de grands crûs. Nous débarquons dans l’effervescence d’un marathon prestigieux à Pauillac, 3500 participants, non déguisés s’abstenir !!

Feu d’artifice en prime et cette fois la bouteille locale reste stable… enfin elle ne reste pas debout très longtemps, notre dégustation élimine le problème de stabilité.

Ouf, nous sommes sauvés quant à notre maîtrise d’entreprendre et de réussir des bivouacs mémorables…

Un peu d’espace disponible retrouvé dans les coins de la voiture, et nous remontons dignement plusieurs bouteilles qui orneront les tables de nos fêtes familiales en fin d’année. D’autres en gage de notre amitié pour Alain.

C’était l’étape Coquille 2008 !!!

Total général vélo : 447 kms.

La prochaine fois St Jacques de Compostelle nous verra sûrement !!

C'est reparti. Paysages cuits au soleil.

Lundi 31 Août 2009, an 4, jour 1, on remet ça direction St Jacques.

Je suis installé au volant de ma voiture, le vélo accroché à l’arrière avec la sensation bizarre d’attaquer le dernier épisode d’un bon feuilleton. Le casting des acteurs a encore évolué dans les derniers mois. Le forfait d’Alain s’est malheureusement confirmé. Le pauvre, de graves problèmes avec ses yeux l’empêchent maintenant de vivre bien. Nous espérons un miracle pour une amélioration qui se fait attendre. Dans tous les cas on fera tout le nécessaire pour l’aider car c’est un coach irremplaçable.

Ses remarques et ses conseils délirants sont indispensables pour clore règlementairement chaque journée.

Thierry vient de prendre une orientation professionnelle qui l’accapare beaucoup et Jean-Marie devait impérativement participer à l’organisation de sa famille dans cette période de fin d’été qui est devenu le théâtre de ma récréation vélocipédique.

Seule la copine de Thierry est rescapée de l’équipe pour me suivre au bout de cette aventure initiée en 2006 un soir de délire avec mon père Alain. Alors, j’accroche son vélo près du mien, elle retrouve sa place au milieu de mon bazar, et, cerise sur le gâteau on se trouve en Daniel, un chauffeur, peintre-retraité. Notre conducteur, vacciné et majeur qui n’aura pas besoin d’une signature de ses parents pour parapher le contrat que nous lui proposons !

Les présentations sont faites, les au-revoir à nos proches aussi. D’ailleurs nos femmes vont bien s’entendre, elles sont copines d’enfance, et nous voilà partis tous les trois sous un chaud soleil et un ciel radieux, synonymes de beaux voyages.

Derniers achats avant de prendre l’autoroute, boulangerie, gas-oil et roule, roule, direction Orléans/Bordeaux.

- Non, non, on a dit Orléans/Bordeaux !!

- pas Auxerre/Lyon !!

Bon tant pis on s’est gourés, on fera demi-tour à la prochaine sortie.

Bien, pour jouer avec nos nerfs, les nouvelles pancartes installées sur l’autoroute !!

Tout va bien, on y est, les kilomètres défilent maintenant, nous faisons la pause casse-croûte après Tours et nous filons ensuite vers les Landes en croisant des vacanciers sur le retour. La traversée de Bordeaux est encombrée vers 19 heures, nous rejoignons un camping sous les pins de bord de mer que j’avais déjà pratiqué avec Alain.

Impeccables dans notre timing, nous avons le temps de planter nos tentes et de piquer une tête dans l’océan alors que la température aujourd’hui est montée jusqu’à 38°C. Voila des années que je ne me suis pas risqué dans la fraîcheur de l’eau de mer, mais là, je dois l’avouer, je suis bien resté plus longtemps que d’habitude (2 peut-être 3 minutes !!) défense de sourire !

J’ai retrouvé mes souvenirs sur cette plage où j’étais venu avec le père Alain dans une de nos bonnes étapes passées. J’ai du mal à croire qu’il soit contraint de déclarer forfait pour nos vadrouilles, même si je n’y crois pas beaucoup, je brûlerai un cierge pour lui !! Et puis, comme c’est convenu ensemble, je lui passe un petit coup de fil qui le transporte vers nous avec plein d’émotions.

Nous restons sur la plage jusqu’au soleil couchant qui colore les dunes et les derniers surfeurs. Dîner aux chandelles, camping-gaz, chacun sa guitoune et son sac, bonsoir les grillons !

Dommage qu’au loin les dernières musiques à la mode sont braillées à tue-tête par une bande de jeunes qui ne savent pas picoler.

Enfin bon ça se calme et finalement on râle, mais on a bien dormi !!

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C'est marqué dessus !

Mardi 1er Septembre 2009, jour 2, CARRION.

Au matin du deuxième jour, le temps est couvert. Nous avons quand même le loisir de déjeuner et de plier le campement au sec. C’est en approchant de l’Espagne qu’il faut actionner les essuie-glaces.

La circulation est toujours assez dense vers la frontière espagnole, nous demandons à nos estomacs de patienter un peu pour attendre un endroit plus calme où nous allons pouvoir dégainer les éléments du casse-croûte. Le ciel reste couvert, la pluie s’est arrêtée au moment choisi pour étaler nos tranches de jambon, vers une zone protégée pour les oiseaux migrateurs. Une colonie de cigognes préside le secteur et toutes les espèces mènent leurs vies, chacune dans son coin !

Notre point de départ pour cette année est rejoint dans l’après-midi, ce qui donne le temps de solliciter un fermier local pour s’installer le soir auprès de lui dans son bois de chênes verts.

Nous avons même le temps d’un moment de détente lors de la visite d’une petite ville toute proche : Carrion de los Condes, sillonnée de pèlerins, où je vais heureusement trouver les piles que je cherche tant pour mon appareil photo. C’est pas bien Denis, tu n’étais pas au top dans ta préparation. On voit bien que ton coach Alain n’a pas pu surveiller tout ça !! En plus dans l’affolement tu te balades un pied en chaussette et l’autre tout nu !!

Le ciel est complètement dégagé maintenant, le soleil part faire son tour du monde. Nous le retrouverons avec ses couleurs traditionnelles le lendemain matin dans un grand show de feu.

La nuit, des petits lapins gourmands et peut-être un chevreuil audacieux sont venus piétiner autour du campement, nous les avons entendus brouter.

Demain, on dégaine !

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L'incontournable mur de Sahagun.

Mercredi 2 Septembre 2009, jour 3, LEON.

Cette fois ça y est, nous y sommes. Les vélos piaffent d’impatience. Le cœur un peu pincé en l’absence d’Alain, nous déroulons nos premiers tours de roues devant un Daniel qui s’est intégré superbement dans notre système.

Quelques kilomètres non-goudronnés vont bientôt tamponner nos fesses et même nous déséquilibrer au risque de nous faire goûter le sol espagnol. Le parcours devient ensuite un beau ruban nouvellement bitumé, roulant à souhait, avec une visibilité parfaite, où nous filons sans effort, seuls sur la route.

Daniel est parti pour sa mission d’approvisionnement, avant notre rendez-vous du midi qu’il choisit vers un club-boîte de nuit abandonné, rigolade assurée.

Il fait très chaud pour le premier après-midi de pédalage. La découverte des différentes variétés de chorizo fait aussi accentuer la soif ! Et l’envie me prend de m’asperger d’eau fraîche, dans les petits canaux qui irriguent les cultures.

Cela ne va pas nous empêcher de franchir toutes les côtes de notre tracé, qui contourne la grande ville de Léon. Je reste égal à moi-même, aussi aérien qu’un fer à repasser !

Daniel, qui a fait une tentative pour visiter la ville, revient bien vite vers nous pour fuir les encombrements. Il en a profité pour repérer d’éventuels campings, nous nous décidons sur celui de las mulas où nous allons avoir deux petites voisines belges d’une vingtaine d’années qui découvrent la région à pied, sacs aux dos.

Nos bons cœurs les invitent à prendre un verre avec nous après leur repas, nous les trouvons pas mal dans la galère, surtout l’une d’elles touchée par une tendinite au pied. Nous sortons nos remèdes fétiches de notre panoplie de secours, et miracle au troisième apéro, ça va déjà mieux !! Allez, bonne nuit les filles !!

Il fait nuit et nous on n’a pas encore mangé. Ce soir, devinez, il y a pâtes au menu.

En plus, il faut couper les systèmes d’arrosage qui se sont déclenchés dans notre secteur, bruyants ils nous aspergent d'eau bien froide.

Total pour cette 1ère journée de vélo 103 kms.

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Fantômes engloutis.

Jeudi 3 Septembre 2009, jour 4, l'EMBALSE de VILLAMECA.

La route à grande circulation des alentours n’aura aucun effet sur mon sommeil réparateur. Par contre entre le rhume(chopé lors de ma trempette dans les canaux d'irrigation), le vent nocturne dans les branches, les ânes et les coqs au matin, je retrouve mes compagnons vaseux pour le petit-déjeuner mais c’est bien vite reparti !

Notre arrêt vélo de la veille est bientôt rejoint. Nous continuons de respecter scrupuleusement la règle du jeu instaurée dans les délires de cette aventure. Notre coach, à distance, veille au grain.

Ses radars auraient tôt fait de repérer nos manquements lors de notre rapport du soir.

Nous allons emprunter maintenant une petite route très chouette, sans trafic, ciel pur et température idéale. Un petit col à 1150 mètres nous emmènera ensuite vers le rendez-vous de midi où la triplette a décidé de se retrouver, spécialités locales, à l’attaque !!

Pas difficile ensuite de s’évaporer dans la descente et de continuer notre chemin sur des routes secondaires, le vent dans le dos. Au passage, vers Tapia de la Ribera, un lac artificiel transparent nous montre les vestiges d’une vallée engloutie, l'embalse de Selga de Ordas. La couleur bleu turquoise de l’eau tranche avec les herbes brûlées des alentours. C’est maintenant des cultures de houblon autour de nous, tous les clochers et toutes les églises sont envahis de nids de cigognes, déjà désertés par leur migration vers l’Afrique.

Daniel, sûrement inspiré, nous attend à Villarequel, à la terrasse d’un café, bière pression dans le viseur ! Bien choisi comme bistrot ! On nous offre des tapas en accompagnement, pain, huile d’olives, tomates, anchois !! De quoi repartir tranquillou vers l’improvisation suivante qui nous attend puisque vient l’heure de la destination camping.

Daniel, suivant de sa bonne étoile nous trouve un terrain de loisirs, auprès d’un lac surveillé et entretenu par des bergers qui ne sont pas à 3 moutons près !! L’Embalse de Villameca. Bien sûr, installez-vous, il y a de la place, plus beaucoup de vacanciers maintenant !

Un site comme il y en a dans les images de la bible ! L’eau, le soleil couchant, les moutons, les bergères, les oiseaux, le silence… que nous troublons en débouchant une bouteille pour fêter ça chacun son tour dans mon hamac !!

Encore un peu tôt pour manger ! Partie de boules, voilà, ça y est, à table maintenant ! Est-ce que c’est bien ce soir là que j’ai sorti ma recette aligot-saucisses ? Je ne sais plus, j’avais la tête dans les étoiles !! …, on plane quand c’est comme ça !! Et mon père Alain qui n’est pas là, le pauvre, lui qui a lancé l’idée de tout ça !!

Avec la nuit les troupeaux rentrent, les chiens et les bergères guident leur retour. C’est dingue ! Maintenant on est cernés, ils traversent notre campement, calmement, ils viennent nous sentir, sans panique. On va devenir chèvres avec des souvenirs comme ça !! La lune s’y met aussi, elle éclaire tout le paysage, impossible d’aller se coucher ! C’est trop beau !

Allez va, on s’endort quand même, le sommeil finit par nous emporter, à demain les hiboux.

Total pour cette journée de vélo 97 kms.

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Foncebadon.

Vendredi 4 Septembre 2009, jour 5, ASTORGA.

J’ouvre un œil, puis deux, quel temps ce matin ? Je n’y crois pas, la chance continue de nous sourire, maintenant c’est le lever du soleil qui est magique !! Il est 7 heures et quart. Les hérons sont déjà au petit-déjeuner ! On s’y met nous aussi, café, céréales, on plie et c’est reparti !

Aie, aie, aie, il fait froid à vélo sur la route, nous sortons les coupe-vents d’autant plus qu’il y a une belle descente en direction d’Astorga.

Dans la plaine le temps se réchauffe, il fera de nouveau très beau toute la journée.

Au loin, les montagnes se profilent. Je trouve une ressemblance frappante entre cette région et les reliefs de l’Ardèche ou du Lot par exemple. Ici, aujourd’hui il y a les pèlerins en plus.

Nous donnons rendez-vous à Daniel pour le casse-croûte au sommet d’un col à 1500 mères, à Foncebadon, il est fidèle au poste. Une chapelle, un tumulus imposant de pierres amoncelées, et un grand poteau vertical, en forme de totem, reçoivent les offrandes des pèlerins qui deviennent de plus en plus nombreux sur le parcours.

Dans l’euphorie de cet endroit édifiant, un gant manque, nous entamons les recherches. Disparu, il rejoindra peut-être les fétiches laissés volontairement en signe de recueillement. En revanche, nous trouvons un sac à dos rempli d’affaires personnelles que nous décidons de déposer à la gendarmerie la plus proche puisque la route nous attend.

Le départ n’est pas classique cette fois. Compte-tenu de l’altitude du col, j’ai proposé à Daniel qui n’a pas fait de vélo depuis 20 ans de se laisser glisser dans la descente harnaché avec mon coupe-vent pour ne pas avoir froid… La nature est faite comme ça ! Il lui aurait fallu peut-être, au moins deux tailles supplémentaires ! il est un grand costaud et je suis minus à côté de lui !!

Enfin, bon, ça va aller…

c’est…

presque parti. . . .

Quand nous voyons arriver un cycliste en transes : le propriétaire du sac à dos ! Il nous bénit par des signes de croix innombrables en remerciements.

Cette fois il faut y aller ! Mes deux poulains disparaissent rapidement sur la route en pente accompagnés du cycliste tout heureux et son sac.

Je prends mon temps, maintenant, j’ai le rôle de la voiture d’assistance logistique. J’espère que Daniel va redécouvrir les joies de la bicyclette sur la quinzaine de kilomètres que l’on devine sur les cartes.

Tiens, bizarre, ça devient plat. Stupeur ! A la sortie d’un virage, la route se dresse fort sur 200 mètres environ, Daniel et le gars au sac à dos sont à pied. Aucun espoir d’encouragement, inutile d’insister, Daniel abandonne par jet de l’éponge, bridé dans mon coupe-vent, en manque d’oxygène !! Encore une belle partie de rigolade !

Je reprends la route à sa place. Les coteaux sont maintenant cultivés de vignes. Nous faisons le point tous les 3 à Ponferrada pour organiser notre porte-monnaie commun, boire frais, et décider d’une coopérative vinicole… ce genre de monument dont il faut toujours ramener un souvenir et des commentaires pour nos briefings avec Alain ! Ben oui, on pense souvent à lui !!

Une seule concurrente reste sur le parcours. Il faut tenir notre principe d’avoir toujours au moins un vélo en route. Nous visons un camping un peu plus loin pour se situer dès demain matin au pied d’un col dans l’espoir de l’escalader en pleine forme. C’est un peu compliqué finalement pour se retrouver.

Le chemin des pèlerins, piétons et cyclistes, côtoie une route passagère, séparée par un muret sur quelques kilomètres. Avec beaucoup de calme et de sang froid nous touchons au but de la journée. Le camping est là, ouvert, propre, nous sommes presque seuls.

Ce soir, super omelette avec oignons, jambon, fromage, apéritif au vin pétillant de la cave…

Il fait bien nuit quand nous rejoignons nos toiles de tentes.

Total pour cette journée de vélo 110 kms.

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Casse croûte en haut du col.

Samedi 5 Septembre 2009, jour 6, PORTOMARIN.

Au matin, deux chouettes hulottes se répondent dans les arbres. Je fais une tentative de sortie. Plein de brouillard, retour à la case sac de couchage, on attendra un peu. C’est Daniel le plus courageux une demi-heure plus tard, gling-gling, gamelles, petit-déj., anoraks, nous estimons la température à + 5°C ou + 6°C seulement. Un thermomètre officiel nous indiquera + 8°C à 9 heures et quart !!

Il n’y en a pas pour longtemps à se réchauffer, un col est prévu dès le départ. Nous retrouvons des pèlerins de toutes sortes, et puis, plus personne, la route à nous tous seuls.

Je cherche vainement à apercevoir des mouflons ou des chevreuils sur les flancs de montagne.

Nous y sommes, 1099 mètres, Puerto de Pedrafita. Au sommet niche Pedrafita do Cebreiro, animé par le marché du jour. Nous prenons le temps de flâner dans les odeurs de cuir, les grillades de moutons ou même de calamars, poulpes, crevettes et saucisses. Nous dévorons à pleine dents des beaux travers de porc en réussissant à en garder un beau morceau pour Daniel, persuadés qu’il va craquer aussi.

Ce petit séjour en altitude va se prolonger plusieurs heures. Nous enchainons trois autres cols et le retrouvons dans le haut du dernier pour le casse-croûte et le séchage des tentes.

Au passage, nous l’avions déjà aperçu dans le village tout en pierre granitique de Cebreiro, encore un point de rencontre des pèlerins. A notre pause il se régale avec la viande grillée. Nous avons droit à la chanson d’une tronçonneuse des bûcherons qui préparent l’hiver, et, bien sûr à un panorama qui s’étend sur des dizaines de kilomètres. Pour ne pas être en reste, il a déniché une spécialité locale surprenante, du boudin aux épices et aux fruits. La première approche est enthousiasmante pour nous 3, mais à la deuxième bouchée tout le monde laisse poliment et gentiment sa part au suivant ! Une spécialité à oublier très vite !

Par contre, aujourd’hui c’est un jour important pour Daniel, l’école de son village d’enfance va recevoir le nom de son père qui a été un grand précurseur de l’organisation scolaire moderne. Ses méthodes ont fait référence au plan national, palmes académiques à la clé !!

Magie du téléphone portable, Daniel reçoit des informations sur le déroulement de la cérémonie et le dévoilement d’une plaque officielle en forme d’ardoise qu’il a lui-même réalisée. Sa présence avec nous sur les chemins de Compostelle nous touche et transmet aussi une résonnance et un symbole à destination de ce père désigné par la mémoire collective.

Une lueur supplémentaire sur le chemin des étoiles…

L’après-midi nous retrouvons les plaines, puis de nouvelles montagnes, moins élevées maintenant. Je pense à notre région française de la Margeride. C’était dans cette région que les jeunes nous avaient débusqués la première année Alain et moi.

L’indication d’un lac artificiel sur nos cartes nous motive pour le camping du soir dans la région de Portomarin. Après des recherches très poussées, nous optons pour une terrasse en surplomb d’un fjord espagnol appartenant à des cultivateurs de maïs. Nous sommes à 9 kilomètres de la ville et nous allons subir la sono démesurée d’une méga fiesta de minuit à 4 heures du matin !!

Bonjour les décibels !

Par contre le point de vue est sublime bien que la sécheresse ait fait baisser le niveau du barrage d’au moins 20 mètres.

Au contact téléphonique avec Alain on lui résume les derniers jours vécus. Nous sommes maintenant à proximité de Santiago, peut-être même la dernière étape ! Emouvant pour moi tout ça. Je donne à Daniel mon tee-shirt spécial coquille dans une intronisation improvisée et joyeuse. Alain valide ma décision en me sortant encore sa pointe d’humour personnel. Nous évoquons aussi les participations de mon petit frère, Jean-Marie, les deux années passées.

La nuit est bien tombée maintenant, reste le clair de lune et les villages éclairés au loin, un grand théâtre de philosophie pour penser à tous ceux que nous aimons.

Total pour cette journée de vélo 93 kms.

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On est bien. . . sur le chemin.

Dimanche 6 Septembre 2009, jour 7, VALLADOLID.

Les fêtards espagnols sont rentrés. Nous nous interrogeons tous les trois à travers les toiles de tentes pour savoir lequel se risque en premier dans la fraîcheur ressentie. Un brouillard à couper au couteau va finir par s’estomper bien vite.

Je profite de la lumière enfin revenue pour demander l’intervention du corps des sapeurs pompiers de Pont sur Yonne où Daniel a officié pendant 12 ans. J’ai une opération urgente et délicate pour l’extraction minutieuse d’un poilusse vulgarus qui refuse de suivre la belle ondulation naturelle de mon système pileux sous la fesse gauche. Pince à épiler, alcool certifié, Denis peut rouler !!

Nous retournons à notre point de lancement sur le parcours. Quelques vieux villages engloutis par le barrage ressortent dans une brume verdâtre nous laissant des images de science fiction apocalyptiques. La sortie de Portomarin est problématique pour de nombreux pèlerins qui hésitent sur l’orientation à prendre. Nous sommes comme les autres et puis, ça y est, c’est parti, une côte, l’un devant, Denis loin derrière, Daniel au marché avec sa liste de commissions !

Nous sommes environ à 130 kilomètres de Santiago. De nombreux marcheurs sont blessés et semblent souffrir en silence dans leur progression. C’est assez impressionnant. Un couple insiste auprès de ses deux enfants qui pleurent. Notre expédition personnalisée à vélo me donne tout à coup une impression de légèreté en voyant tout cela !... et chacun continue son chemin, sa vie et son destin.

Sur les petites routes, des groupes occupent toute la largeur du passage, et puis, tout à coup plus personne, nous restons sur les portions goudronnées les plus proches, tracées minutieusement par Alain.

Rendez-vous pour le casse-croûte avec Daniel dans le haut d’un col, j’arrive le premier, ce n’est pas normal ! Téléphones portables, coucou, on s’est perdu de vue dans le dernier village. J’ai continué alors que ma partenaire faisait du tourisme ! Tout juste le temps de préparer les spécialités proposées par Daniel et nous voilà réunis.

Il fait très chaud. Personnellement, je ne suis pas gêné. Je trouve même qu’il y a de l’air à vélo par des températures comme cela. Je repars seul pour retrouver mes deux acolytes au pied du dernier col de cette aventure. Mes deux commissaires logistique vont pouvoir apercevoir de la-haut la région d’où l’on vient, et peut-être au loin la silhouette de Santiago.

Des éoliennes nous accueillent au sommet. Sortes de Don Quichotte des temps modernes. L’après-midi est bien avancée, nous avons la sagesse de chercher un camping. Santiago ce sera pour demain !!

Grosse erreur de parcours dans un secteur où les panneaux indicateurs sont aux abonnés absents. Nous sommes à l’opposé du bon chemin où Daniel nous attend, et, par manque d’indication au bord de la route c’est après 12 kilomètres que, enfin, nous pouvons faire le point. Tant pis, retour en arrière, Daniel revient au devant de nous. Tant mieux, positivons, ça tombe bien, nous trouvons un camping d’exploitant forestier, avec une eau de source au débit impressionnant. Nous mangeons à la nuit tombée.

Total pour cette journée de vélo 115 kms.

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AAAAA y ééééééééééé !

Lundi 7 Septembre 2009, jour 8, SANTIAGO.

Cette fois ça y est, ce sera pour aujourd’hui, nous touchons au but. Santiago n’est plus qu’à une petite cinquantaine de kilomètres. Quelle aventure !

Le lever de soleil, sans un nuage, est presque banal pour nous. Nous préférons les dessins des nuages qui donnent des reliefs dans le décor. Par contre, nous passons par toutes les couleurs pastel au moment du petit-déjeuner, évidemment c’est beaucoup mieux rose que morose !

Plusieurs chevaux en liberté sont impassibles devant nos préparatifs. Nous retournons scrupuleusement à l’endroit exact où nous avions fait notre erreur de parcours hier soir. Nous serons fidèles jusqu’au bout à notre règlement pour ne pas rater un seul mètre du parcours sous peine de disqualification !!

Le temps est idéal pour rouler, presque frais quand le vent nous pousse. Je passe mon coupe-vent, les descentes nous portent aussi les kilomètres défilent. Une pancarte me surprend « Santiago 13 ». Je prends une grande dose de souvenirs, je reviens en arrière, je vois Alain au départ de Vézelay, Jean-Marie dans le pays basque, Thierry au milieu des vignes d’Armagnac et dans l’Aubrac.

Je pense à la famille, à ceux qui nous suivent ou qui s’interrogent sur nos aventures. On aime les amis, les proches, les femmes, les parents, les enfants, les petits enfants. La proximité d’un but comme celui-là donne l’effet d’un pétillement d’idées fugaces dans les têtes. On plane.

Pourtant il va falloir mériter Santiago, une dernière longue côte de 10 kilomètres s’impose à nous pour toucher la ville. Nous apercevons au loin la cathédrale au milieu de la civilisation.

On y est. Alain on y est ! Nous avons donné rendez-vous à Daniel entre midi et 13 heures sur la place principale.

Nous sommes dans le secteur à 11 heures 40 le lundi 7 Septembre 2009.

On ne peut pas être insensible et ressentir quelques frissons, d’autant plus que les pèlerins, tout autour, rayonnent. Daniel est là, super fiable, le tee-shirt et un béret surmonté d’une coquille dans le plaisir commun de partager un moment fort.

Visite de la cathédrale, envoutante de recueillement. Il y a un office en cours, avec des chants menés par une religieuse qui possède une voix extraordinaire. C’est beau. Les fidèles resteront probablement des heures, nous, c’est le moment d’aller « au bout du bout », le Cabo Finisterre, l’extrémité du continent européen, face à l’Amérique !!

Nous rejoignons la côte en voiture, après des dizaines de manœuvres pour sortir d’un parking où nous étions coincés par un automobiliste sans scrupule.

Sur la route, en bord de mer, c’est un plaisir de retrouver le silence et la nature. Une plage nous tend les bras. Plongeons dans l’océan pour nous trois, sandwichs au sable ! Le dernier camping avant le cap profite de la situation pour nous pomper quelques euros exagérés dans notre tirelire.

Pas trop le temps de chercher ailleurs, le coucher de soleil n’attend pas et partons au terminus de la terre. Nous choisissons un endroit déserté par la meute de touristes et, sur un promontoire, rien que pour nous, dîner aux feux du soleil qui éclaire… nos boîtes de sardines !

Les rayons lumineux des phares marins aux alentours chassent tout le monde. Nous sommes seuls dans la pénombre. Sur un bout du monde !... et le sommeil nous prend aussi, direction le camping.

Total pour cette journée de vélo 48 kms.

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Allo coach Alain? Mission accomplie!

Mardi 8 Septembre 2009, jours 9 à 11, c’est fini !

La découverte est dans les voyages. Nous avons appris que les chiens espagnols aboient surtout la nuit et s’endorment vers 6 heures du matin. La puissance de leurs décibels et le croassement des corbeaux, perchés on ne sait où, auront toutefois été au niveau de la propreté des sanitaires du camping, c'est-à-dire remarquable !

On finira bien par oublier aussi la note un peu salée sous prétexte que nous avions une plage juste en face !! Brrr !! Eau glaciale ! Porte-monnaie brûlant !

L’heure du retour est arrivée. Nous choisissons de revenir par le nord de l’Espagne et découvrons encore d’autres paysages au fil des kilomètres. Quelques spécialités locales pour le casse-croûte du midi. Un petit coin de verdure retiré dans la montagne, nous sympathisons au passage avec un agriculteur perché sur son tout petit tracteur qui avance au pas.

Le soir, après 800 kilomètres de relais entre nous, il est temps de prévoir notre nuit. Nous fuyons un camping surpeuplé, et, servis par la chance nous finissons par trouver dans une famille de bergers, l’espace et les commodités qui nous conviennent.

Le patron nous installe sur une plate-forme de pâturages à proximité de sa maison, nous lui offrons l’apéritif. C’est encore un régal de contempler le coucher du soleil, cette fois, sur les montagnes du pays Basque.

Le coin est fréquenté par des jeunes qui viennent écouter de la musique en buvant quelques bouteilles et s’en vont.

Nous ressortons un menu qui a fait ses preuves ! aligot-saucisses. Par contre, je n’ai pas eu la main heureuse pour le vin, je ne le trouve pas terrible. Alain, là dessus aussi tu nous manques ! Bah, si, finalement… « un petit vin de pays » qu’il dirait.

Sous la lune rousse, les moutons viennent la nuit, avec leurs clochettes autour de nos tentes. Les vaches suivent le mouvement et tous repartent un peu plus loin. Pas mal comme coin tranquille !

C’est encore un grand moment cette étape. Bien loin de la circulation d’une route, des grandes villes et même des chiens pas commodes.

Total pour cette journée de vélo 0 km dans les jambes, mais tonnes de souvenirs dans la tête.

Le Pays Basque.

Mercredi 9 Septembre 2009.

Au matin la brume n’est pas levée, les moutons continuent de tondre l’herbe. Un beau rapace plane au dessus de nos têtes en surveillant notre petit-déj. Nous replions les tentes humides et redescendons vers l’autoroute où des travaux colossaux sont en cours.

C’est vers midi, qu’entre Bilbao et San Sébastian nous prenons, au flair, la sortie N° 11 : Zarautz, première fois que nous entendons parler de cette ville !!

Quel pif !! La cité est en fête. C’est le centenaire de son intégration dans le pays basque. Nous sommes très vite dans l’ambiance, bouteilles de cidre, galettes de maïs au chorizo, vin blanc des vendanges en cours, lard fumé, danses, musiques, rires. Tout le monde en costumes folkloriques. Nous pourrions y rester des heures… mais un beau voyage c’est aussi le plaisir du retour. Nous repassons la frontière vers 15 heures puis remontons par Libourne, Périgueux, Brive. Nous décidons sagement d’une dernière étape alors qu’il nous reste 5 à 6 heures de route.

Puisque la chance nous a sourit dans le pays Basque, nous rejouons au hasard pour une sortie dans le Limousin : la 42. Bingo ! à 5 kilomètres de l’autoroute, un super camping auprès d’un lac. Très peu de monde, choix de l’emplacement, sanitaires impeccables, accueil au top.

Pas mal comme fin de vadrouille.. ça s’arrose… apéro, pain-anchois, sardines, pâtes au saumon, fromage, fruits, tour du lac digestif à la lampe frontale.

Jeudi 10 Septembre 2009.

Dernier jour, dernier matin. La proximité du lac nous offre des rayons de soleil qui déchirent les brumes, encore du mitraillage photo pour le magasin des souvenirs. Le petit-déjeuner est amélioré avec des pains aux raisins commandés la veille et livrés à domicile s’il vous plaît !

Nous discutons avec deux jeunes qui partent en cyclo-camping pour une année sabbatique !

Nous plions nos toiles complètement trempées et nos remettons le cap sur le retour à la maison.

Bien sûr, pas question de faire la route sans prendre des forces. Une halte dans un magasin et nous testerons avec bonheur d’autres spécialités locales à midi.

Hasard et coïncidence des rencontres, nous sympathisons à la caisse dans la file d’attente avec un groupe de copains de notre âge. Ils nous invitent à partager la journée grillades avec eux !! Non, non, merci les gars, nous sommes au bout de notre pèlerinage, il faut rentrer. Vive l’amitié !

C’est vrai, le casse-croûte en Sologne, avec le matériel de camping qui sèche, fait déjà partie des dernières images de notre aventure.

Nous arrivons à Sens vers 16 heures. Nous sommes les 3 présents à la fin de ce grand voyage débuté en 2006 sur une idée géniale.

Les aléas de la vie auront fait jouer cette partition pendant 4 ans à 6 grands enfants revenus avec plein de souvenirs, Alain, Jean-Marie, Thierry et nous 3.

Pour nous, le chemin des étoiles, comme le nomment les « vrais » pèlerins, sera une trace toute personnelle entre la basilique de Vézelay et la cathédrale de St Jacques de Compostelle.

Notre parcours total à vélo aura été de 2389 kilomètres.

C’est 2389 fois le plaisir que nous avons eu à raconter cette histoire.

Vive le vélo, vive la vie !!!

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